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Pour l’interview récente que Michel m’a accordé, j’avais des questions sous le coude, dont une aussi fantasque qu’influencée par les visionnages récurrents et inhérents à la paternité, de Blanche Neige et de sept sympathiques nains. Je voulais demander à Michel si les soirs où il rentrait des sessions d’enregistrement, il chantait à l’image des sept nains rentrant de la mine, eh oh je rentre du boulot. Non pas que Moonman soit un regroupement des sept caractères du dessin animé, mais comme les nains je l’imagine bien extraire des pierres précieuses à grand coup de manche de guitare, car la rivière pleine d’or Moonman ne l’a pas croisée à première vue, n’ayant pas cédé à la tentation de chansons faciles et tellement dispendieuses en effets.

Pour ce nouvel opus (sous un nom de bande Moonman & The Unlikely Orchestra) Moonman a décidé d’envoyer du bois, de penser à la scène autant pour présenter ces titres que pour la découper en pièce et la mettre en feu. Le disque est viril à souhait, car il faut taper dans la roche pour en extraire le trésor, et les muscles sont certainement les premiers à avoir été mis à contribution. On pourra toujours pinailler en se disant que l’effort peut être l’ennemi de la création, celle-ci devant se capter dans sa forme la plus aboutie, mais ne serait il pas mieux d’avoir les petites perceptions des coups d’un Rodin en regardant ses œuvres. Sur ce nouvel opus Moonman a justement construit ses morceaux comme des créations in situ, in vivo. Prenez « Faith To Surprise », la chanson démarre presque mal, elle nous donne presque envie de décrocher, et puis un refrain brillant, lumineux explique presque l’uppercut séminal, laissant éclore une fleur qui prendra elle le temps de vivre de se déployer. L’ensemble de « Mascarade Labyrinthe » est un champ du possible, derrière l’aridité, la musique charnue et les coups de sang, Moonman y a planté des fleurs fantastiques, s’essayant à quelque chose de fort dans un contexte volontairement difficile. Il en sort des moments apaisés presque lunaires (Le nom Moonman prend ici tout son sens) comme « sur « Deity Girl ». « Randomizer » est un autre exemple évident de tentative de rétablissement. Le morceau commence mal, il pourrait très vite se prendre de plein fouet un mur tant il avance à l’aveuglette, il se rétabli avec maestria, nous rappelant le meilleur de Bob Mould période Sugar. C’est d’ailleurs souvent chez mon dieu de l’électricité que mes pensées iront à l’écoute de ce « Mascarade Labyrinthe », d’où mon étonnement quand Michel me dira que Beaster et autre Copper Blue ne sont jamais passés dans ses oreilles. Car si on connaissait l’affection portée à la Washing Machine de Sonic Youth, un copinage vers les antres de l’artilleur d’Husker Dü pouvait s’imposer. Et si nous revenions à cette question laissée sur le côté. Si en fin de compte Moonman avait décidé de finir avec le sublime « Bubble Boy » pour tout à la fois se remettre de cette déferlante électrique (attention à ne pas pousser trop fort le son de « The Glorious Ways Of Don Corleone ») mais aussi pour partager un moment de calme en rentrant à la maison. Véritable instant de grasse où Michel en faisant chanter sa compagne trouve un contrepoint presque évident à sa voix. Point final à ce disque et peut être ouverture à une avenir plus calme, « Bubble Boy » facilitera notre retour dans notre monde après cette déferlante parfaitement maitrisée de bout en bout. Disque important de ce début d’année, que l’on rangera au rayon disque facile pour gens difficiles ou l’inverse. Allez vous y perdre.