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  • 9 février 2012 /
    Moonman
    L’interview

    réalisée par gdo

toutes les photos de groupes sont "copyright Thomy Keat".

5 ans c’est long ? Moonman se serait-il fait manger par le patron de Greed , la difficulté des doubles casquettes ?

— Oui et non. Mais 5 ans, c’est long effectivement. « Necessary alibis » est sorti en Septembre 2006 et les derniers concerts de promo de cet album datent de début 2008. Ensuite, le label (deux albums de Cornflakes Heroes, Guernica, Action Dead Mouse, General Bye Bye) et ma vie personnelle ont pris le pas. Et puis il fallait trouver le temps de composer, de repenser, d’affiner, choisir ce que je voulais et ce que je ne voulais plus. A l’été 2010, j’avais les morceaux, on s’est donc remis au travail pour les aboutir en vue d’un enregistrement qui s’est déroulé au mois d’Avril 2011, puis le mix, le master, l’artwork et la préparation de la sortie. Tout ça prend du temps.


Changement visible, Moonman est en groupe... The Unlikely Orchestra, c’est ton envie aussi d’avoir ton « Hidden track » à l’image d’Angil ?

— Le groupe fonctionnait déjà sous ce nom à rallonge pour les concerts liés au dernier album, ce n’est pas vraiment une nouveauté. Et non la grosse différence avec le groupe d’Angil est que le mien n’est pas du tout à géométrie variable. C’est un trio tout ce qu’il y a de plus classique, d’où l’ironie de le qualifier d’orchestre. Je ne pouvais décemment pas simplement conserver « Moonman » attendu que la formule sur disque et sur scène avait vraiment changé depuis les débuts. Il fallait marquer le coup sans toutefois abandonné le nom originel du projet.


Première constatation le disque est plus direct, peut être moins cérébral que les précédents. C’est un besoin d’urgence ?

— Je ne sais pas si cet album est réellement moins cérébral que les précédents ; par contre il est définitivement plus direct et brutal. Un besoin d’urgence, oui. Mais les morceaux se sont présentés d’eux-mêmes sous cette forme et aussi en pensant à sa future exécution sur scène. J’avais besoin de plus de simplicité, mais aussi d’efficacité et d’un coté plus radical. L’album précédent était franchement très difficile à transposer sur scène car il était conçu comme un album studio avant tout. Pour « Mascarade Labyrinthe », je savais que j’avais surtout envie de jouer sur scène en étant à l’aise techniquement et en gardant des parties instrumentales qui laissaient un peu de place, un peu de liberté. Si certaines parties restent techniques, l’ensemble est plus jouable et du coup plus appréciable pour tout le monde.

L’autre, connaissant ton amour pour Sonic Youth et surtout pour « Washing Machine », on perçoit l’influence, comme si « c’est bon avec les influences assumons les pleinement ».

— Je ne fais aucun mystère de l’impact que ce groupe a eu et continue d’avoir sur ma musique. Nous ne sommes qu’un trio et ne sommes pas voués à intégrer un autre guitariste, donc je me sentirais plus proche de l’atmosphère du « Psychic Hearts » de Thurston Moore et du Sebadoh de « Bakesale/ Harmacy ». Ceci dit l’esprit de « Washing Machine » est typiquement le genre d’influence indétectable parce que cet album nécessite d’avoir presque une guitare avec un accordage différent pour chaque morceau en live, alors que de mon coté je suis parti sur un accordage (plutôt de type Pavement d’ailleurs) qui m’a plu et inspiré et qui me permet de ne pas avoir justement besoin de 15 guitares accordées bizarrement pour chaque titre. Le seul parallèle que j’observe serait l’utilisation d’ harmoniques spécifiques dans le peu d’arrangements sur cet album et surtout le phénomène récurrent du morceau à tiroirs qui en contient plusieurs et peuvent mêler à l’envie parties tendues et grinçantes et arpèges mélodiques mystérieux. Le split quasi officiel du groupe l’année dernière m’a beaucoup attristé. La fin d’une époque bénie. J’attends – en vain – depuis plus de 15 ans un disque que me secouera autant que « Washing Machine ».


L’effort d’écriture a t-il été collectif, ou Moonman était-il le seul maitre à bord ? D’ailleurs peux tu nous présenter ton groupe ?

— J’ai tendance à « entendre » et visualiser les morceaux tout faits avec arrangements et section rythmique dès que les premiers riffs viennent. Donc même si effectivement 90% de l’album a été composé à la guitare en solo, les morceaux ont tout de suite pris une forme quasi définitive quand je les ai présentés au groupe. Ca fait maintenant plusieurs années qu’on joue ensemble et la musicalité de la section rythmique (Arthur - batterie et Rob - basse) tombe sur les morceaux nus comme un smoking bien taillé, sans efforts. Mais tu me poses cette question à un moment où ce mode de fonctionnement a tendance à muter. On se voit beaucoup plus pour répéter pour les concerts à venir et on essaye toujours de se réserver les fins de sessions pour travailler sur des idées nouvelles en direct, ce qui change considérablement le résultat et va grandement accélérer le processus créatif, ce qui est une très bonne chose.

Tarte à la crème, et question que je t’ai certainement déjà posé par le passé, pourquoi pas de chanson en français ? Tu fais partie de cette frange qui considère que le rock c’est en anglais.

— Non pas du tout, il y a du bon rock français. Mais les groupes qui réussissent dans ce domaine sont rares. Je ne crache pas sur la discographie de Virago, un bon vieux Noir Désir ou certains morceaux de Bashung. Moins fan de de Diabologum, même si je suis réceptif à leur musique. Mais ce qui me touche davantage c’est la musique de Dominique A, les suites d’accord qu’il utilise et les paroles magnifiques... sans parler de sa présence intimidante sur scène ; et si je devais faire quelque chose en français un jour, ce serait sur un musique très arrangée, bricolée et pas sur un mode pop ou encore moins rock. Avec beaucoup de place pour la voix et des textes riches, ciselés. Je n’entends pas de français sur la musique que je compose, même si j’ai parfois des idées des phrases en français que je note sur un calepin. Il y a aussi une notion de pudeur ; l’anglais s’il est compris dans les grandes lignes par la plupart des gens, permet d’imprimer une certaine distance dans le propos, un certain mystère. Le français ne triche pas, livre tout, parfois trop. C’est un langage précis qui ne tolère pas l’approximation. Le disque de Michel Cloup par exemple me laisse perplexe, me met presque mal à l’aise. J’apprécie l’idée, le concept, le son dépouillé, minimaliste, les boucles de guitare avec lesquelles je suis très familier, mais je suis presque gêné par la rudesse du ton, par ce qu’il raconte. Ne jamais dire jamais, mais pas pour tout de suite en tout cas !

Balayons la grande question ; le sublime « Bubble Boy » qui clôt ce disque est-il annonciateur d’un futur éloigné de l’électricité ?

— Merci. Oui, mais il y a toujours un ou deux morceaux plus calmes et introspectifs sur chaque album. C’est une respiration. Pour ce qui est du futur, il y a effectivement dans les tuyaux un projet plus acoustique dont je parlerai en temps voulu, mais qui sortira probablement sous une toute autre identité car il s’agira a priori d’un album purement « studio » dans une veine à la fois arrangée et bricolée. Les morceaux sont prêts et maquettés pour la plupart. Il ne reste plus qu’à les enregistrer et les arranger, ce que je ferai dès que le rythme va se calmer et que je pourrai me poser pour m’immerger dans ce projet. J’ai envie de voix féminine, de choeurs, de cordes et d’instruments jouets, de featurings de plein d’amis musiciens, d’instruments peu communs, pour arriver à pourquoi pas débrancher complètement la guitare au mix sur certains morceaux, ce qui serait un vrai challenge pour moi. Bien hâte d’y être.


Pour en revenir au disque dans sa globalité, il est construit avant tout pour être jouer sur scène. Il y a un côté bestial, très électrique. Je parlais de Sonic Youth, je pourrais citer Bob Mould.

— Beaucoup de personnes qui découvrent l’album me parlent de Bob Mould et Husker Du que je connais très mal. J’ai plutôt été bercé aux sons de Blonde Redhead, Pavement, Sebadoh, Slint, Shipping News, Fugazi ou Shellac et quelque part toutes ces influences ont tendance à ressurgir de manière complètement détournée au détour d’un riff ou d’un son. Pour le coté bestial, je ne sais pas. Plus agressif dans le ton, c’est certain, mais il y avait comme une rage contenue venue d’on ne sait où qu’il fallait sortir et exploiter.

Le dosage entre pop et rock musclé s’est effectué comment ?

— Ce dosage ne se calcule pas vraiment, il est inhérent au type de musique que je produis naturellement. Il est aussi le résultat ou la somme de mes propres influences et de la musique que j’écoute au quotidien. Probablement un reflet de ma personnalité aussi. Ceci dit, j’ai de plus en plus besoin de cohérence (comme un gamin qui rangerait sa chambre) et le coté pop se retrouvera davantage sur la projet plus acoustique dont je parlais, alors que le rock musclé dont tu parles qui correspond davantage à ce que j’ai envie de jouer live va se développer sur la suite de cet album qui est déjà en cours d’écriture et qui a tendance à se simplifier et s’épaissir dans un registre relativement proche d’Unwound, Shipping News, Rodan, Slint, Shannon Wright ou encore Sholi, cette école de rock à la fois tendu, puissant et qui laisse une grande part à l’instrumental, aux arpèges qui me plaisent vraiment beaucoup et aux digressions.


Tu peux nous parler de cette jolie pochette et de ce titre énigmatique ?

— Le visuel du disque a été conçu par Mitch Storck, un illustrateur australien de grand talent et surtout très patient. Le titre « Mascarade Labyrinthe » trainait depuis très longtemps dans mes cartons. Je laisse à chacun le soin de l’interpréter à sa convenance... En tout cas, j’aurais eu beaucoup de mal à trouver un titre plus adapté à la musique contenue dans ce disque et à ce que les paroles racontent.


Comme tu as la double casquette, quelle est l’actualité de Greed pour cette année ?

— La promo de « Mascarade Labyrinthe » et la scène vont m’occuper une grande partie de l’année 2012. Entre temps, la sortie du troisième album des Italiens d’Action Dead Mouse est prévue autour du mois de Novembre si tout est bien prêt à ce moment là. Au delà de cette sortie, le label va calmer son activité pour un moment afin que je puisse me concentrer sur ma propre musique. Les projets ne manquent pas et je souhaite ne pas trop m’éparpiller dans les années à venir pour arriver à mes fins.

Peux tu nous parler de la soirée du 18 Février ?

— Une très grosse soirée pour nous puisqu’il s’agit de la release party de l’album. Ca se passe à Glazart à Paris. On y a invité deux groupes que j’aime beaucoup : Lolito que j’ai connu via Thomas Charlet, qui a enregistré (là aussi avec beaucoup de patience et d’efficacité) et mixé notre album et qui avait donc travaillé avec Lolito juste avant. Un pop rock survitaminé au chant féminin hyper power du plus bel effet qui peut rappeler les Pixies ou Blonde Redhead selon les morceaux. Et puis Jesus Christ Fashion Barbe, un groupe qui tourne déjà énormément malgré un seul EP disponible. Ce groupe va devenir énorme, j’y entends une voix rauque façon The National, la basse omniprésente de Pinback et une décontraction indie pop proche de Sebadoh, mais avec une vibration folk super efficace. Super groupe live. Ca va être une belle soirée !

Le mot de la fin est pour toi !

— Un grand merci à toi pour ta fidélité ! Rock’n’roll !

toutes les photos de groupes sont "copyright Thomy Keat".