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Ecouter, qui plus est pour le chroniquer, un nouvel album du trio Animal Collective n’est pas une expérience anodine. Comme avant de monter dans les montagnes russes d’une foire, d’entamer la lecture d’un Marc Lévi sous la contrainte ou s’engager avec une banque pour un crédit immobilier, il faut une préparation tout aussi physique que psychologique.

Même si j’adore le trio depuis ses débuts (période pendant laquelle nous avons eu l’honneur de les avoirs sur un de nos volumes alors que les compilations ADA n’avaient pas encore la réputation…..départementale qu’elles ont) j’ai quelque peu délaissé les deux dernières livraisons, probablement pas écoutées dans des conditions optimales, car le problème est là.

Si vous avez une migraine, moment pendant lequel vous pourrez sans soucis apprécier un disque tôt ou tard (le mal se déplacera avec bonheur côté face de votre être, en son milieu) il est déconseillé d’écouter un album d’Animal Collective.

Si vous venez de recevoir un rappel de la perception pour des impayés, votre énervement voudra plutôt du death Metal en maugréant le nom du premier trésorier de votre centre d’impôt, histoire en plus de faire sourire les voisins qui eux sont en période d’expropriation.

Reposé, zen, pas avachi, mais dans la position préférentielle d’un spectateur de la TNT, vous pouvez dés lors mettre « Painting With » qui dans le genre dinguerie épuisante est probablement ce qui se fait de mieux (ou de pire si on n’aime pas ce style) dans le genre de disque que l’on ne s’impose pas sans craintes. Les premiers signes d’une forme de thrombose dans le cerveau interviendra dés « Vertical » troisième morceau d’un album qui en comporte douze. A ce moment là, soit vous lâchez prise (déjà) définitivement, complètement concassé à avoir envie de rejoindre Daesch dans son combat contre la musique, soit vous êtes encore sous les vapeur hilarante de "FloriDada" et la descente n’aura pour vous (comme pour moi) jamais lieu.

Certes comme toute bonne drogue le retour à la réalité va être terrible. Mais même quand votre fille se lancera dans une reproduction de « Natural Section » au xylophone avec un harmonica dans la bouche et des maracas attachés aux chevilles vous lancerez Garaband pour l’accompagner en triturant le tout au grand désappointement d’une compagne et d’une mére aimante qui en sera presque à regretter que les animaux ainsi devenus soient dans une démarche collective du partage de la musique, même la plus irritante pour celui qui ne rentre pas dedans.

Avec Painting With ne cherchez pas de rondeurs, tout est coupé aux ciseaux, collé sans trop de précaution apparente. Les capacités auditives détraqués par un virus cubiste. Le cerveau (enfin ce qu’il en reste) tente de comprendre comment, quand, pourquoi, finissant par chercher le Colonel Moutarde Gare de Lyon, sans passer par le casse départ mais en faisant échec et mat. Pour bien comprendre ce qui peut vous arriver à l’écoute de ce disque, asseyez vous sur votre canapé. Allongez vos jambes sur la table basse, elles serviront de support à votre ordinateur portable. Sur cette table passe allumez la tablette du petit et mettez la chaine youtude de votre choix, si possible celle d’un mathématicien vous expliquant le Théorème de Bonnet-Schoenberg-Myers, qui en géométrie riemannienne, montre comment des contraintes locales sur une métrique riemannienne imposent des conditions globales sur la géométrie de la variété. A la télé mettez vous sur la chaine parlementaire pendant une commission traitant de la garantie de l’usage de la douche collective en cas de pollution grave à la dioxine B48. Pendant ce temps là mettez une compilation de musique concrète jouée par des rescapés de Fukushima et discutez sur un réseau avec deux personnes en même temps que vous consultez vos mails et que vous corrigez un papier sur l’apport du xylophone dans les constructions binaires du post rock norvégien.

Une fois visualisé cet environnement, vous toucherez du doigt, ou de l’oreille, ce que provoque l’écoute de ce dernier opus d’Animal Collective, un trop plein de tout qui fait entrer votre cerveau en communion avec celui d’un prisonnier d’un Guantanamo français dans lequel vous serez forcés à écouter un matin au soir l’intégrale de Frédéric François reprise par les lauréats des dernières victoires de la musique.

Un grand titre maboul et génial en ouverture d’un maelstrom vertigineux mais indigeste, ou plutôt insurmontable pour un cerveau (presque) normalement constitué.