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Il y a toutes sortes de disques, de livres, qui ont l’avantage de pouvoir caler des tables ou de servir de décoration ( ne me demandez pas lesquels, mais ils sont suffisamment nombreux). L’été est cette période insaisissable, celle d’histoires sans lendemain, de succès d’un jour, de distractions éphémères et d’un ennui incurable.

Depuis Viva Last Blues, Will Oldham a écumé les régions les plus austères où seul le vent est favorable, puisqu’il souffle toujours dans une direction qui lui appartient. L’aridité de ses compositions compensée par une voix liquoreuse, sont l’exergue d’amours désespérés. Avec une discographie fleuve qui ferait pâlir de jalousie tout folkeux autoproclamé, Bonnie se bonnifie avec le temps, derrière sa silhouette frêle, s’inscrit un visage, un regard fixe et profond, une mélancolie tenace qui coexiste avec un substrat de beauté (The Letting Go reste encore en mémoire comme un disque de référence). Cette sensibilité battant le coeur à tous vents, prend une toute autre tournure avec Keeping Secrets Will Destroy You. Celui qui "gachait sa vie" sous les lumières blafardes d’un vieux bar, trimballe dans l’immensité cette éternelle sagesse, en quête d’une jeunesse perdue. Oldham assume désormais le poids du temps, il domestique ses sentiments en s’éloignant de l’aliénation du passé.

Un retour aux origines ? Pas vraiment, mais un disque dépourvu de batteries et de guitares électriques, bucolique, version buffet entre amis. Il s’agit de retrouvailles. Dès la première minute de l’introductif Like It or Not, nous sommes prévenus "tout le monde finit par mourir, donc il n’y a rien à cacher". Willow, pine and oak convie Dane Waters au chant et Sara Louise Callaway au violon, les ingrédients d’une Americana que blood of the wine magnifie. Sur Trees of hell, les glissandos des violons crissent, grincent avant que la guitare vienne en renfort du chant. Il y a cette beauté à peine écorchée que même Bananas effleure dans un bouquet d’harmonies finales en crescendo. A la différence de l’album, I see a darkness, les émotions sont ici palpables mais plus discrètes.