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À qui est destiné ce majeur dressé, trônant au centre du cd, sorte de Brat Awards (la version trash des Brit de la grande époque du NME et du Melody Maker), rarement signe d’affection, à part peut être dans les peuplades reculées peuplant les travées des stades de football (c’est un abonné qui vous parle) ? Et si Will Oldham l’adressait à son passé, celui d’avant son mariage et de la naissance de son enfant (belle image de ces six jambes plantés dans la mer, le soleil couchant dessinant ces corps sans les dévoiler, le mystère est une chose à cultiver). Les mystères, Will en est plein, et ce n’est pas le chroniqueur qui vous parle qui dira le contraire, car si ce n’est pas une quête qui m’habite en collectionnant plus de 50 disques du natif de Louisville, je ne sais pas ce que c’est n’ayant pas l’âme du collectionneur. Cette attirance vers ses chansons a longtemps été pour moi, et c’est mon analyste personnel qui me le dit (le côté droit ou gauche de mon cerveau, je ne sais plus) l’assurance d’écouter les chansons d’un type qui va encore plus mal, et qui le dit avec une telle crudité qu’il m’était impossible de demander de la chimie à mon médecin, sans devoir assumer un manque de courage terrible.

J’aime Bonnie Prince Billy, comme j’aime la Saint Rieul, les bretzels, le ratafia ou les œufs à la coque, c’est ainsi. Comme chez ces mets, j’aime la tendance à l’excès, je trouve en Will Oldham une purge de l’intime avec ce qu’il peut y avoir de plus inconfortable à contempler.

Avec une fréquence réduite, ce qui est une première dans les standards de l’auteur de Viva Last Blues, j’attendais avec fébrilité son retour avec The Purple Bird. Travaillant ici de façon nouvelle, Will y paraît tout à la fois dans ses petits chaussons, mais surtout dans une position tellement neuve pour lui qu’elle influence tout à la fois ses chansons (Will était déjà conscient du monde, mais sa conscience est décuplée, à l’instar de Dominique A au moment du virage Rendez Nous La Lumiére. ) que son chant. Tourné vers les racines de la country, il renoue avec une ampleur nouvelle (Sometimes It’s Hard to Breathe) avec le Palace du EP Mountain, s’autorisant la grandeur en délaissant l’ascétisme, comme si l’économie de moyen d’hier devait laisser place à l’abondance pour justement fustiger celle-ci (Will Oldham est souvent déroutant, et c’est aussi cela que l’on recherche chez lui).

Produit par David Ferguson (qui a noué des liens si fort avec Will Oldham qu’il a joué au mariage de ce dernier) avec qui il avait collaboré il y a 20 ans pour la reprise de I See a Darkness en duo avec Johnny Cash, joué avec des renards des studios de Nashville, The Purple Bird, à l’instar de la pochette inspiré par un tableau touchant de …..David ferguson alors élève de « second grade », est un disque non pas naïf, mais neuf, frais pourrions nous dire, ou peut être plein d’une sagesse qui ne s’interdit pas des constat froid, mais qui arrive à les disséquer avec des outils dénués de la rouille et d’une quelconque écharde.

Doigt d’honneur aux nuages noirs, baignade dans un univers chargé d’une solennité et d’une volonté de s’inscrire dans une tradition, entre complainte de fêtard alcoolisé et description de la vie des musiciens de country, avec la surprise (ou non) de voir que la sienne y ressemble farouchement.

Alors si on pouvait légitimement constater un essoufflement chez Will Oldham, cet oiseau violet est comme la jonquille qui déclare l’ouverture du printemps métrologique, un rayon de soleil, et si ce n’est pas un nouveau départ, au moins un pied de nez au passé, par ce pince-sans-rire, qui tentent de tordre les démons qui nous entourent. Avec In My Living in Vain ? Il signe ce qui pourrait devenir une des pièces maîtresses de sa prodigieuse discographie, avant de nous quitter sur un Our Home choral, échappé d’un rade de Deadwood. Échappée belle.