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J’ai eu une éducation musicale essentiellement indépendante, austère voir totalement obscure pour beaucoup de mes contemporains, dont la seule et unique relation avec la musique aura été la flute au collège, le stop ou encore sur RTL et le top 50. Il m’aura donc été envoyé des phrases comme « toi avec ta musique chiante », « tu finiras au bout d’une corde » ou encore le définitif « hé y a toi et ses parents qui ont le disque ». Sans jamais été complexé par cela, car au final je savais qui avait raison (ben oui comme dirait David), j’avais quand même la sensation d’être plus orienté vers la mélancolie difficile que par la facilité de supermarché pour les moutons que je percevais via mes lunettes parfois cyniques.

Si Philippe Katerine d’avant le transformisme avait déterré les graines de ma sensibilité rieuse, jamais celle-ci n’avait complètement éclôt. Il y avait bien les efforts caricaturaux d’un Didier pas toujours Super, mais jamais la musique et les chansons ne se rejoignaient pour me faire rire sans décourager mes aspirations de mélomanes indés.

Il aura donc fallu attendre l’arrivé de Trotski Nautique (un des meilleurs noms de groupe de ces dernières années) pour combler mes deux hémisphères, régaler mes envies musicales et contenter la partie « rigolote » de mon moi le plus inquiétant.

Dans "Steppe by Steppe" c’est l’univers du public de la musique pas comme les autres qui est dépeint de façon tout aussi humoristique que froide. Les concerts et la présence obligatoire avec clin d’oeil douteux (debout comme dans les trains pour Dachau), l’alcoolisme étudiant (Picole) la construction même d’une chanson avec sa musique triste (morceau hilarant que "Y a pas de recette" qui arrive avec son passage d’octave à nous mettre une forme de chair de poule).

Construit comme un cocktail avec ses 3 tiers (Compositions originales / reprises / Live), cet album de Trostski Nautique que nous agrémenterons du EP « Picole » (l’occasion de voir une autre face du talent du groupe) est une passerelle entre les pisses froids de l’indé dont je fais partie et une frange de la population pour qui musique c’est avant tout rigolade, rythme, facile à retenir. Grinçantes ou dérangeantes, mais toujours écrites sous le sceau d’une forme de nostalgie de mélancolie, les chansons et les reprises de ce « Steppe by Steppe » sont la preuve que l’on peut donner l’impression de jouer avec les codes pour mieux caricaturer ceux qui les proscrivent (« mais j’suis bien obligé d’y aller pour pouvoir dire que j’y étais " dans concert)

"La Samba" comme hymne des prochains meetings d’un Mélenchon en freestyle. Taz est comme un sketch, qui derrière une histoire délirante casse notre barrière de l’émotion « Taz t’es mon chien, t’es mon seul mon vrai copain ». Nirvana ou David Bowie (Bow oui) version française épatante par l’interprétation, imparables par le traitement, Mendelson, Jean-Luc Le Tenia, Nirvana, Gablé, David Boh oui, tous repris avec amour ou ironie, avec application faussement torve et détachement face à la notion même d’objet inattaquable.

Je voudrais remercier Trotski Nautique de faire de la chanson française, et pas seulement car c’est plus sécure.