Neige Florale (à écouter pendant une crise d’angoisse). L’intitulé du morceau introductif de Troisième Opinion, le douzième (à vue de nez) opus des aventures soniques du prolifique bordelais Hugo Carmouze, résonne en moi comme un appel à cesser toute forme d’introspection et me lancer dans le bain bouillonnant de la vie. Il y a que je suis très régulièrement sujet à de bien minuscules attaques de panique, qui polluent mon existence tout autant que mon rapport au réel. Alors, quitte à flipper, ou cesser de flipper, autant que ce soit en musique : « C’est si facile de rester brut / Mais ça l’est moins de devenir pur ». Dès l’ouverture, on retrouve la patte sonore de Opinion, soit une sorte de grunge lo-fi ascendant shoegaze inspiré tout autant par Sparklehorse que Ty Segall et Yo La Tengo, qui diffuse une mélancolie expérimentale rehaussée par un chant en français ou en anglais et des textes décalés, imagés, minimalistes et sincères, à l’instar du très attachant Un Petit Chat Dans Mes Bras : craquant. Plus travaillé que son prédécesseur (Horrible, composé et enregistré en une nuit), Troisième Opinion n’hésite pas à prendre son temps, proposant des compositions ambitieuses, gorgées de saturation, de guitares électriques ondoyantes et d’arrangements solaires, fortes d’une frontalité douce, rehaussées par des mélodies catchy en diable ; fabuleux triplé que 19, Microrange et Mains, ça fait du bien de planer et de se rappeler à quel point The Posies et autres Teenage Fanclub savaient se montrer bruyamment délicats. En onze titres, Opinion fait étalage d’un savoir-faire et d’une spontanéité indéniables, à l’image de For Real et son mood The Smashing Pumpkins, ou du garage Cimetière imbibé de pop late 60s - « Dormir sous cette chaleur / Me rappelle une couleur / Ta robe, un souvenir qui me hante », où décibels et langue de Molière font bon ménage. Quoi de mieux que le spleen, les remords, les regrets, pour nourrir un album certes enlevé mais, qu’on le veuille ou non, spleenesque. Ceci dit, Hugo Carmouze sait faire preuve d’espièglerie, comme sur ce Waking Up mutant (noise + pop + metal), qui narre la difficulté qu’il y a le matin à se réveiller : comment ne pas penser au fameux Wake Up Boo ! des Boo Radleys ? Chez ADA, on avait vachement apprécié Horrible, publié en février 2024, et Troisième Opinion confirme qu’Hugo a passé un cap, terminant son nouveau disque sur l’épurée mélopée Pour La Nuit, Par La Fenêtre : « Encore une nuit chez moi / Un con sur le balcon / Ici je me sens vivant », forcément, ça me parle. Il en va ainsi des âmes sensibles, pour qui la musique est vitale et permet d’universaliser ses craintes, ses doutes, ses atermoiements, trouvant en l’auditeur un écho comparable à nul autre, tant son immédiateté est indéniable. Le pouvoir de la (bonne) musique est puissant, puissions-nous en profiter longtemps.