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Le troisième album de Aldous Harding est une déception. Attendais-je un peu trop du successeur de Party, son deuxième album, produit par John Parish ? Il faut croire que « oui » car Designer ne ressemble en rien aux promesses du précèdent album ; au point de douter un instant que cet opus soit signé du prolifique producteur anglais.

Dans Party, l’univers vocal y était par exemple beaucoup plus affirmé ; même si l’on pouvait parfois redouter un certain penchant vers la facilité mélodique. Ici, la platitude des arrangements, et des orchestrations, laisse un arrière goût amer dans la bouche, et l’oreille s’endort tranquillement étouffée sous l’oreiller. C’est pour ainsi dire le calme plat tout au long de l’album. Dépourvu de relief, le mal nommé Designer s’enterre assez vite sous la facilité d’un songwriting peu inspiré. Très loin du tempétueux style qui semblait se dessiner dans les deux premiers albums, avec une belle propension au romantisme, la voix ici ne transporte plus au travers de cet univers habité, j’allais dire presque hanté, qui enveloppait l’auditeur. Nous ne ressentons plus rien de ce lent et long voyage promis dans les landes fantasmagoriques de Party.

Les cinq minutes d’un titre comme Zoo eyes, par exemple, paraissent une éternité et John Parish ne semble pas avoir été en capacité de trouver des raccourcis, de tailler dans la masse, ce qu’aurait peut-être mérité certaines chansons. La tentative de doubler les voix d’Aldous Harding, et d’amener un peu de relief en introduisant une voix masculine (en l’occurrence celle de John Parish), paraissait une bonne idée mais, là aussi, je ne ressens que vide et figure de style. La section rythmique tombe comme un plat sur l’eau ; dès les premières notes de basse de Fixture picture, j’ai senti qu’il n’y aurait aucun groove ni aucun feeling pour sauver cet album. Au niveau des compositions, il y avait pourtant quelques bonnes touches à faire émerger des harmonies du piano, comme dans Treasure mais rien ne décolle, l’émotion reste cachée derrière l’instrument.

Aussi, j’attendais patiemment l’arrivée du single, The barrel, en espérant enfin assister au décollage de ce pesant avion cargo ; mais rien de tel. John Parish, pourtant favorable à l’intrusion d’éléments perturbateurs, d’instruments singuliers dans la mélodie, nous avait habitué à plus d’éclat et de prise de risque. Ici, tout est terne, à l’image de la clarinette qui s’introduit dans la mélodie sans rien apporter de sa couleur ; ou la ligne de guitare censée amener le final du titre et qui tombe un peu comme un cheveu sur la soupe.

Mais dans la construction de l’intensité d’une œuvre rien ne sert de désespérer ; il y aura sûrement de belles choses à venir dans l’univers d’Aldous Harding ; peut-être devrait-elle simplement prendre un peu plus en main sa production et imaginer son propre son ; à l’instar d’autres chanteuses comme Vera Sola, Marissa Nadler ou Courtney Barnett. Donner les clés de son univers à un producteur, aussi talentueux soit-il, n’est pas forcément gage d’un coup de baguette magique capable de soulever ou de réinventer ses émotions. Celles de la chanteuse néo-zélandaise n’appartiennent peut-être qu’à elle et à personne d’autre.




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