A mon groitre, on a un sens des convenances et du bon goût tout puissant, un snobisme patenté et généralement assumé, bref, selon l’humeur une certaine retenue ou une grande hypocrisie qui la rend aussi sexy qu’agaçante : c’est la pop, et c’est à mon avis ce dont parle le mieux une chanson comme Victoria ou Village Green des Kinks. Au mieux, ça donne chanter l’optimisme hollywoodien dans les situations tragiques, avec un sourire en coin ; au pire, ce sera se cacher derrière des clichés pour refuser de voir le monde en face (moi j’aime bien, mais dit comme ça je dois avouer que ça craint un peu du boudin).
A ma cloche, on a un sens de la provocation et de l’outrage tout puissant, un côté rentre-dedans généralement revendiqué, bref, selon l’humeur une certaine franchise ou une forme de vulgarité qui la rend aussi agaçante que sexy (avec des poils) : c’est la musique rock. Au mieux, ça servira à fédérer les élans de liberté d’une jeunesse désorientée ou quelque chose comme ça ; au mieux aussi, à faire boire les quadras et au-delà.
Moui... Entre les deux, il y aurait la musique, toutes les prises de bec imaginables, et par miracle, contre toute attente, comme par surcroît, de bonnes chansons (on ne peut pas me reprocher de citer souvent Manset : "le miracle, c’est que la chanson soit bonne").
Quel rapport avec l’AIRien Nicolas Godin, à ne pas confondre avec son homonyme ADAien (le Nicolas Godin de Shape2, que je salue ici) ?
Aucun, si ce n’est que rien de tel que cette musique majoritairement instrumentale et dégagée, purement rêveuse, série d’hommages fringants à Jean-Sébastien Bach, pour soigner les théoriciens et polémistes du socio-culturel que nous tendons trop à être. En vérité, rien de mieux que Bach lui-même, mais de MJQ et les Swingle singers au Switched on Bach de Walter/Wendy carlos, en passant par les bidules de Schaeffer, les clins d’oeil à cette oeuvre monumentale sont généralement bienvenus, parce que cette musique-là ne semblant vouloir donner du sens à rien d’autre qu’à elle-même, elle se prête de bonne grâce à toutes sortes de jeux.
Ce disque n’a rien de grandiose ou d’impressionnant, et aurait bien du mal à servir à qui que ce soit pour décrypter le monde et le sens de la vie, il n’a jamais fait le moindre effort pour me donner des idées de trucs à dire, c’est cette modestie-là qui le rend justement attachant. Jolie tangente et pur ressourçage.