Que faire après le fameux troisième opus, celui qui parfois, à la manière d’un OK Computer, propulse votre carrière dans la stratosphère ? Le bien nommé Jubilee valut au groupe Japanese Breakfast, formé en 2013 à Philadelphie, pléthore d’accolades ainsi que de vaines nominations aux Grammy Awards (prix finalement offerts à St. Vincent et Olivia Rodrigo), mais pas grave, tant l’année 2021 avait été, pour Michelle Zauner et ses acolytes, fructueuse : succès critique et commercial de Crying in H Mart, les drôlatiques mémoires de Michelle ; idem pour la bande sonore du jeu vidéo Sable, paru quelques semaines plus tard. De quoi se prendre pour Midas, sauf à se rappeler la funeste destinée du monarque cupide : c’est ainsi qu’à peu de choses près (la scintillante ballade pop shoegaze Honey Water et un très honnête Picture Window évoquant Nina Persson et ses Cardigans) le Petit Déjeuner Japonais remballe le fun et nous propose, luxueuse production signée Blake Mills à l’appui (le gars a récemment bossé pour Perfume Genius, Feist et Bob Dylan), une collection de compositions ourlées : planante ritournelle folk pop nimbée de gamelan et de Wurlitzer (Here Is Someone), chanson boisée de cordes (Orlando in Love – première fois que le groupe enregistre dans un vrai studio, ça s’entend), midtempo sixties aux accents Bacharach (Winter in LA), mignonne mignardise mimi (le conclusif Magic Moutain), ondoyant foisonnement acoustique rappelant Andrew Bird (la comptine caustique Little Bird), et même une pincée de Beth Orton sur la mélancolique Leda. Nous voilà face à un disque simple, sans effets de manche et particulièrement accueillant, pour preuve – sur le jangly Mega Circuit – la présence derrière les fûts de Jim Keltner, session man des Beatles, mais également du Dude en personne, soit Jeff Bridges, qui croone plus qu’honorablement sur la ballade country folk Men in Bars. Décrit ainsi, et malgré un intitulé un chouia trop littéraire à mon goût, For Melancholy Brunettes (and Sad Women) fait le job. Tout y est beau et bien fichu et sonne raffiné, l’on perçoit des réminiscences lettrées, des références avisées, une tempérance éclairée. Sauf que durant la demi-heure passée en sa compagnie, je me suis ennuyé : le quatrième album de Japanese Breakfast est aussi solaire que scolaire. Certes, le groupe a pris le risque de ne pas marcher dans les traces du successfull Jubilee, c’est tout à son honneur, mais quitte à prendre ce risque, pourquoi faire le choix de ne prendre aucun risque, c’est-à-dire proposer des chansons qui manquent clairement de folie, de grain et de mélodies mémorables ? Et donc, ami lecteur de Bonrepos-Riquet, la réponse à la question posée en début de chronique est la suivante : un album neutre. En gros, de quoi patienter jusqu’à l’éventuelle prochaine effervescence créative.