« Décidément tu ne comprends pas » c’est cette phrase qui finira par être le déclic soignant une incompréhension. Appâtés par un premier EP dans lequel nous avions pioché pour une de nos compilations, nous attendions le premier album de Selen Peacock avec une forme d’impatience non feinte. Quand Adeline Robin m’a contacté pour écouter le disque, j’ai sauté de joie (intérieurement pour ne pas faire trembler la terre). Quand elle me disait, après ses premières écoutes que le disque tournait en boucle chez elle, je la soupçonnais d’en faire peut être trop, défendant son label.
« Décidément tu ne comprends pas » aura raison de moi, car je vais finir par comprendre moi aussi, et comme Adeline, finir par écouter le disque en boucle. Dans mes pensées les plus folles, je rebaptisais le disque, lui donnant le nom d’une chanson d’un résident du label. « Soyons les plus beaux » car je ne sais pas vous, mais j’ai l’impression que quand nous écoutons certains disques nous sommes plus beaux. Faites l’expérience. Dévalez les escalators d’une gare parisienne pour vous engouffrer dans un RER. En vous projetant dans la peau de vos voisins de courses, vous pouvez aisément en conclure que votre visage doit être aussi engageant que le leur. Maintenant prenez cet escalator et mettez dans vos écouteurs, la musique de Selen Peacok par exemple. Vous sentirez vos pores s’aérer. Votre mine sera radieuse et pourrait rejaillir sur celle de vos voisins (un plan en cinémascope façon introduction des Demoiselles de Rochefort, version RER serait même du plus bel effet). Vous vous sentez beau, comme si cette musique que vous écoutez de façon égoïste remplissait l’espace d’une atmosphère pleine de beauté et de jubilation.
« Décidément tu ne comprends pas ». Pourquoi, alors que tu aimes autant le saxophone qu’un enfant aime les endives au jambon, là cet instrument qui n’a le droit de citer chez toi que via Morphine, tu finis par lui trouver un charme, une importance et un art de la suggestion que tu ne soupçonnais pas.
C’est « Lull Root Glow Loop » qui sera la clé pour ouvrir les portes de la perception. La répétition, l’harmonie éclairant tout le reste, comme un cours didactique de la création chez le groupe. Ne jamais assécher la répétition, mais la mettre à contribution pour chercher la sonorité parfaite, la note ultime. La recherche non pas de la note parfaite, mais du son parfait, qu’il soit musical ou lexical.
Il sera alors facile de se plonger dans « To become the ocean » porte à merveille son titre, comme si nous étions dans une coquille de noix, portés par les remous de l’océan, nous fondant en lui. D’être ébloui par "Dis-moi toi, dis-moi ce que tu penses » qui fonce vers les lueurs du grand A. De vivre un rêve éveillé en écoutant « Toutes nos Têtes sont Suspendues ». De lâcher prise dans les arcanes élégiaques de cette cathédrale sonore qu’est "A Lull".
« Grand » est dicté par une recherche de la plénitude absolue, la création d’un espace où tout est pensé dans un souci unique, celui d’une combinaison harmonieuse et lumineuse. Les Boo Radleys disaient "Giant Steps", soyons french et parlons de pas de géant. Magistral.