Vitamines pour le cœur. Oncques je n’aurais cru qu’un jour j’écrirai sur The Chills, passionnante formation néo-zélandaise fondée en 1980 par le regretté Martin Phillips, qui connut – période Submarine Bells (1990) et Soft Bomb (1992) – un succès d’estime sans commune mesure avec le culte – jamais démenti au fil du temps – dont jouit le groupe et, de manière plus générale, la scène indépendante de l’époque : autour de Flying Nun Records, basé à Christchurch, gravitaient des orfèvres tels que The Bats, The Clean et The Verlaines, mais également les trublions Tall Dwarfs. La faible couverture médiatique et la (très longue) distance aidant, le Dunedin Sound bénéficia d’une aura telle qu’elle éclipsa une production tout à fait honnête, mais sans acmé, chef-d’œuvre ou génie torturé (hormis Chris Knox, peut-être) : au pays des kiwis, on savait trousser de bonnes chansons, point barre. De mémoire, The Chills étaient les plus connus, eux qui signèrent sur un gros label californien et – avec la chanson Heavenly Pop Hit – s’incrustèrent (pas très haut) dans les charts américains : l’acmé avant la chute, séparation fin 1992, reformation trois ans plus tard, disque, changement de line-up, disque, changement de line-up, et ainsi de suite, avec le seul Martin en guise de figure originelle. Quand l’été dernier la faucheuse l’emporta, il était – avec l’aide de son groupe et d’invités tels que Neil Finn (Crowded House), Julia Deans (Fur Patrol) et Hollie Fullbrook (Tiny Ruins) – en train d’enregistrer des chansons inédites, qu’il avait composées dans les eighties : nous n’irons pas quatre chemins, Spring Board : The Early Unrecorded Songs n’est rien de moins qu’un bain de jouvence. Quels plaisirs que ces mélodies limpides, ces harmonies futées, ces guitares électriques arpégées, ces basses linéaires et ces beats feutrés !!! Et les chœurs mixtes, et les gimmicks entêtants, et les structures en trompe-l’œil ! Vingt titres, oscillants entre jangly pop, midtempo mélancolique et ballades catchy, rien à jeter. La production organique, sans fioritures, dégagée des mignardises qui plombèrent Soft Bomb, permet aux chansons de s’affranchir du temps, un pied dans les eighties, l’autre aujourd’hui ; au moment où j’écris, je ne sais plus quelle version de moi-même je suis, mais ce que je sais, c’est que je me sens particulièrement enthousiaste, parce que Martin Phillips et ses Chills m’ont rappelé à quel point, en matière de pop, la simplicité pouvait être lumineuse.