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Attardons-nous une bonne fois pour toutes sur le cas Bertrand Betsch, car c’est un cas et pas seulement, car il sort deux nouveaux albums en une semaine alors que nous nous remettions à peine d’un dernier album fantastique (La Traversée). Sorte de Stephen Jones (Je ne Veux Plus Danser) qui n’aurait pas eu le hit, concurrent de Murat dans la fréquence de la production, ou plutôt anomalie d’un système qui ne tourne pas rond. En utilisant une parabole footballistique, BB serait un club de ligue 2 qui tous les ans termine en tête et à qui on refuserait la montée en Ligue 1 sans aucune raison valable. Car dans la chanson d’ici combien peuvent se targuer d’une discographie aussi foisonnante que luxuriante, aussi imaginative dans sa traduction de la mélancolie et de l’auto fiction ? On en finirait presque par penser à un ostracisme, un oubli volontaire, comme si BB était à l’instar de Robin Williams chez Woody Allen un auteur-compositeur interprète transparent, ayant le droit à un passage chez Goumarre comme tout le monde, mais oublié quand il est question d’une communication plus vaste....comme personne. Plus qu’un cas, cela en deviendrait presque un problème, nous mettant en quête de savoir pourquoi ce manque de reconnaissance ? Invoquant sur « Demande à la Poussière » une forme d’aide spirituelle, Bertrand fragilise le socle des maitres de l’ironie, prenant depuis pas mal de temps le flambeau, maniant la rancoeur douce, l’amertume sucrée, se sentant le facteur inconnu de la génération X. Et pourtant Bertrand n’est pas en attente de se garer sur une place déjà prise, il a dans son oeuvre et sa conduite sa propre ligne de fuite en avant, se faisant tout autant génie littéraire qu’introspecteur sans concession, sauf celle de l’amour de l’autre en dépit de tout. Bertrand écrit comme il respire, les poumons en alerte et la suffocation au détour des refrains comme pour se « consumer dans la joie » (La Chanson des Pourquoi) finissant par plonger dans l’ironie pour ne pas s’enfermer dans la tristesse. « Demande à la Poussière » est une plongée dans la beauté du désespoir, et si nous avons toujours aimé nos perdants magnifiques, l’ombre dans laquelle est cachée Bertrand mériterait de s’effacer pour le mettre dans la lumière. Éclaircissons le faisceau.