Ami d’enfance d’Arnaud Le Gouëfflec, Gildas fait partie de l’aventure de L’Église de la petite folie depuis ses débuts. Il est responsable de toute la partie graphique de l’hydre Brestoise et de ses tentacules, des artworks du label au site du Studio Fantôme en passant par affiches du Festival Invisible. Garden With Lips est son projet musical, naturellement hébergé sur le label.
Mais il ne faudrait pas considérer Garden With Lips comme une petite parenthèse musicale, une lubie passagère. Gildas a réussi à se forger en quelques années une personnalité singulière et ce 4° album sur l’Église de la petite folie en est la preuve par dix. Et cet univers, pourtant déjà sympathique au premier abord, nécessite pourtant une attention particulière pour en découvrir et apprécier tous les recoins.
En effet, on est d’abord séduit par ces jolies chansons pop, mélancoliques et sans prétention, aux mélodies faciles et aux refrains entêtants. On se surprend à fredonner quelques ritournelles accrocheuses. On remarque quelques précieuses trouvailles, comme la petite descente d’arpèges de guitare dans Beaux et Fiers ou la petite flûte légèrement dissonante de Mare Nostrum…
Puis, à force de chantonner des phrases picorées au hasard, on s’étonne de reconnaitre quelques vers de Gainsbourg (le refrain d’Atomes Crochus). On en vient naturellement à explorer les parties vocales, où l’on commence à appréhender une poésie intimiste et légère. Fausses joies, désillusions, Gildas nous susurre à l’oreille quelques conseils précieux, nous encourage à chercher le bonheur coute que coute sans céder au pessimisme ambiant, à apprécier les quelques secondes de lumière qui subsistent milieu du spleen et de la grisaille.
Enfin, à force d’écoutes attentives, se révèle l’attention particulière qui a été apportée aux arrangements, ingénieux et discrets, minutieux travail d’horloger. En effet, de prime abord, on est surpris par l’efficacité du parti pris minimaliste du point de vue musical. Une boite à rythme rétro, la douceur boisée d’une guitare sèche, quelques nappes de synthé lointaines aux moments opportuns... On pense au Dominique A des débuts, en plus chaleureux. Puis, tendant l’oreille, on décèle quelques mélodies subtiles, harmonies raffinées, parfois passées inaperçues jusque-là et pourtant si indispensable. Les chœurs féminins de Gisèle Pape en particulier qui contrebalancent la voix grave de Gildas et magnifient ses refrains. La légère distorsion sur les guitares de Mare Nostrum et Pelissandre. Les synthés 80’s sur Ame Forte et L’onde. Les chœurs masculin à la fin L’espace c’est toi. Le phrasé scandé et le xylophone chinois de Contre cœur, morceau aux réminiscences étrangement Bristoliennes... Autant de pépites qui encouragent l’auditeur à laisser l’album tourner en boucle dans l’espoir d’en dénicher quelques-unes encore dissimulées.
Avec Pelissandre, judicieusement épaulé de Centredumonde aux guitares et de Gisèle Pape au chant, Garden With Lips signe un album homogène, abouti et mature. Avec sa boîte à rythme minimaliste, sa voix de baryton (entre un Jean-Louis Murat en moins précieux et un Gérard Manset en moins fragile), sa poésie délicate et pudique, et ses lignes de guitare dont les racines seraient plus à chercher du côté de Neil Young, Gildas s’est bâti un univers propre qui lui fait miroiter un rôle primordial dans le renouveau perpétuel de la chanson francophone, aux côté de ses compagnons d’arme Centredumonde et Arnaud Le Gouëfflec avec qui il partage le même label. Et tant d’autres choses d’ailleurs.