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Parfois certaines œuvres musicales vous intimident. Non pas que vous ne les aimez pas... Non rien de cela. Non, peut-être plus car comme un regard qui s’accommode à trop d’obscurité ou trop de lumière (faites votre choix), certains disques demandent un vrai travail d’approche, un rapport étroit réciproque, une rencontre.

Autant d’autres s’infiltrent en vous avec ce charme frelaté, autant ceux-ci réclament l’effort. Un effort, oui, pour ne pas dire une épreuve.

Certaines œuvres sont pleines, tellement pleines qu’il est dur d’y trouver un espace, une petite voie d’entrée. On y cerne à l’intérieur la beauté mais on fait que l’apercevoir.

Alors, on tourne autour de l’objet, on s’attarde dans ses contours, on cherche l’entrée comme un virus qui s’infiltre bien malgré vous sauf que là nous sommes la cellule maligne qui tente de perturber la cohésion interne.

Enfin, la monotonie de nos pas est arrêtée, brusquement, là où encore peu de temps avant, il n’y avait qu’un intimidant monolithe, se distingue doucement une fissure, à peine visible... Une veinule peut-être, à peine ouverte, tout de suite refermée mais trop tard, nous voila au dedans, bien au dedans.

Pourtant la musique de Frédéric Modine, alias Terres Neuves, a cette évidence, cette attraction des terres inconnues.

Théâtrale et expresssive , ces huit titres nous racontent une histoire. Une mise en scène savante, parfois simple, parfois compliquée.

Tirant le fil de l’aîné Pascal Comelade ou puisant dans les cimes d’un Free Jazz, Frédéric Modine prend plaisir à nous égarer.

Atmosphérique et ciné génique,ce monologue étrange n’est pas sans rappeler la dramaturgie des regrettés Migala,

Centré autour d’un travail d’écriture exigeant jamais loin de la folie régressive d’un Jean Genêt,le nantais mêle à son piano la tribalité des âmes torturées, de ceux qui souffrent de la solitude.

Frédéric Modine est il un éternel insatisfait qui maintient l’élan dans ses constructions de bric et de broc, masquant le manque de moyen par l’inventivité de ceux qui pratiquent l’art brut.

Il y a du Léonore Boulanger dans "De Vous A Moi" dans cette soif de destructuration quand la froideur clinique des "Incompris" nous glace.

"Il est ici et ailleurs, jamais çà un seul endroit à la fois Rêveur éveillé

il sublime son quotidien de superlatifs, s’enthousiasmant à chaque instant.

Racontant sa vie comme un récit d’aventure

Il s’exclame dès le moindre changement tout en provoquant les imprévus

Transpirant de passions dévorantes jusqu’à saturation de ses sens

C’est un drôle de personnage vêtu d’un manteau en plume de paradoxes."

Construit, déconstruit... "Jambes porcelaine polies par les caresses du vent..."

Écartelé entre l’impuissance et l’envie de ne pas plier l’échine, Terres neuves veut conserver les envies qui maintiennent.

Pourtant, au fur et à mesure que les titres avancent, la musique s’épure et se dénude pour ne plus conserver que l’os, la voix de Frederic Modine.

La dernière tirade, le dernier mot, jamais absolu,n’ayant besoin que de lui-même pour exister.Essentiel et futile.

Il se glisse là dans l’ombre, indifférent à nous, il se diffuse lentement dans l’air.

"Pourquoi ne pas vous taire ?" sont les dernières paroles d ’Ici et d’ailleurs.

"Ce n’est pas une question"

Car finalement, ce qui compte, ce ne sont pas les mots, bavardages des nombrils mais les silences entre les phrases, les bras qui tombent.

www.fredericmodine.com




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