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Essayant sans cesse d’ouvrir ADA, c’est aujourd’hui un point de vue interessant du boss d’Unique record sur la folk à la fançaise. C’est donc le mot du boss en tribune libre sur ADA, sur trois artistes présent sur les différentes compilations d’ADA :


A l’heure où de nombreux magazines spécialisés saluent un certains renouveau du folk, avec des artistes étrangers comme Devendra Banhart, Coco Rosie, Animal Collective ou encore Joanna Newsom, qui apportent il est vrai un souffle nouveau au genre, je tiens à travers ce mot du boss mettre en avant des artistes français qui n’ont rien à leur envier mais qui malheureusement ne sont pas assez mis en avant dans leur pays et ne sont pas salué de la même manière pour le renouveau qu’ils apportent eux aussi au genre.

ANGIL « teaser for : matter » (unique records) Il n’est pas facile de parler d’un disque auquel on est aussi impliqué que moi que pour celui-ci. ANGIL est notre dernière sortie sur unique, et il est vrai je dois l’admettre, une partie de la presse (dont les inrockuptibles qui l’ont classé 80ème disque de l’année 2004 !) l’a véritablement encensé, ce qui fait toujours plaisir après tant de travail pour le sortir (plus d’un an). ANGIL fait du folk post moderne comme il aime le dire. Il insuffle au style un vent nouveau, en y incorporant une multitude d’influences : pop, noise, hiphop, jazz, electronica…ANGIL fait bien partie de ces rares artistes qui font exploser les barrières entre les genres, et ce avec un naturel et une facilité déconcertante. Mais surtout, Angil a posé avec cet album les bases d’un songwriting qui n’a plus rien à envier à personne et qui s’est totalement libéré de ses modèles. Sa voix n’a jamais été aussi sûre d’elle, aussi émouvante, et ses textes aussi aboutis, maîtrisés et universels. Et surtout Angil a composé avec « beginning of the fall », « she said what you doing he said I am leaving » ou encore « a long way to be happy » et « soulshop » de véritables tubes en puissances qui ne laissent aucun auditeur indifférent. Malheureusement privés d’antenne radio (hormis les vitaux réseaux indépendants français Férarock et Iastar à qui on envoie tous nos remerciements) ils n’auront pour le moment eu encore peu d’impact. Mr Lenoir par exemple, n’aime pas la voix et préfère se gargariser sur les insipides et imposteurs de Nouvelle Vague…cher John Peel tu vas nous manquer. Il en fut de même pour l’excellent clip réalisé pour le single « beginning of the fall » qui n’aura pas hérité de passage TV… Notons quand même que l’intro du morceau « no more guitars » se sera retrouvé sans notre accord sur un reportage de Capital, ce qui nous laisse toujours un goût amer… Le disque sortira le 28 mars prochain au Royaume Uni en licence sur l’excellent label Mégaphone (distrib southern), nous verrons bien comment l’Angleterre, terre sainte de la pop music, accueille ce disque. Pour l’instant je continue à écouter les larmes à l’œil le désormais classique « an old acquaintance » entré dans mon panthéon personnel des chansons folk à jamais intemporelles. Merci à toi Mickael Mottet pour toutes ses joies que tu nous aura apporté en 2004 et celles que tu nous apportera encore en 2005.

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LEMOINE «  ? are those words banished from your heart » (Travelling music) Stéphane Corbarieu est LEMOINE. Il est également le fondateur du nouveau label toulousain Travelling Music que je considère comme l’entité la plus proche de nous dans cette grande ville. Même vision des choses, même envie de mettre en avant des artistes à la personnalité affirmée, et surtout la volonté de s’attacher au côté humain qu’il y a dans la musique et dans les relations entre les gens impliqués dans le processus de création d’un disque. Aux premières écoute de ce disque, on sait que l’on tient là un songwriter de talent, avec qui l’on a envie de partager toutes nos joies et tristesses. Une voix plutôt grave mais qui sait aussi développer des trésors de douceur. Un anglais parfaitement maîtrisé comme chez Angil, des textes personnels, remplis de poésie qui parlent d’amour, d’angoisse, de rencontres, de déceptions…des textes qui vous happent et se posent en écho de votre propre vie tellement l’auditeur pourra s’y identifier. Lemoine n’a pas choisi la facilité pour accompagner ses chansons : une simple guitare acoustique et/ou électrique, des cœurs, parfois quelques superbes nappes et rythmes de son compère CancelN…Choisir un tel dénuement est le plus casse gueule en musique et pourtant tout dans ce disque fait mouche. Tout simplement parce que les mélodies de Lemoine sont tout simplement parfaites, voluptueuses à souhait. L’aridité de l’orchestration ne fait alors que mettre encore plus en avant la qualité des mélodies et des textes. Le premier titre de l’album, « Medium », est un véritable tube, un refrain que l’on a tous envie de chanter en cœur tellement c’est beau et imparable. Dès le deuxième titre « unstable minded » on se retrouve au beau milieu d’une histoire d’amour brisé, qui n’a jamais connu ça dans sa vie ? Personne, on y est tous passé et la façon dont Lemoine évoque cette histoire ne pourra que vous toucher. Et le refrain est pour moi la plus belle façon imagée de parler de l’acte sexuel : « bring me down to her dance floor, where we start to burn, we come to boil. All our thoughts were dressed in pink and blue, whatever the colours, guess it’s good ». (Amène moi sur son dancefloor, où l’on commence à brûler, où l’on en vient à bouillir. Toutes nos pensées sont habillées en rose et bleu, quelque soient les couleurs, penses que c’est bon) « winter song » est ensuite la meilleure chanson pour accompagner nos déprimes hivernales, où la voix de Lemoine se fait sur le refrain aussi douce et légère qu’un flocon de neige. « Child » et « Love » nous rappellent comme on a tous envie d’avoir quelqu’un avec qui vivre, mais que ces relations sont souvent malheureusement difficiles, impossibles, désespérées… “You put a wire and a stone around my neck and it shines with love” …(Tu as mis un anneau et une pierre autour de mon cou et cela brille avec amour) qui voudra encore croire au mariage après ça ? Sur « starshipsailors » l’orage gronde en début de morceau mais c’est le clavier qui est inoubliable tant il s’impose et apparaît dans le morceau avec autant de naturel. Enfin pour finir le disque, Lemoine nous offre le sommet de l’album : « theory ». Sur ce titre, Lemoine expose sa théorie et fait un parallèle terrifiant entre son métier (dans les réseaux informatiques) et la vie de tous les jours : notre réseau de neurones comparé avec le web ( « fais le marcher fais le marcher de la même façon tous les jours », si bien que l’on ne sait plus s’il parle d’un réseau internet ou de son cerveau) ; les vibrations électroniques des atomes, base de la mémoire virtuelle qu’il compare à la Terre sur son orbite telle un simple électron en orbite autour de son noyau atomique…Et pourtant comme il le dit, il n’y a pas d’échappatoire, nous sommes tous enfermés dans cette matrice et n’y a-t-il que la mort comme porte de sortie ? Puisque la lutte est perdue d’avance, nous nous battrons jusqu’au bout, encore et encore…(“you told me again that we have to understand, there is no way my friend where to escape, do we have to kill ourselves to be free, Amen, or we will fight again and again and again”) Que dire de plus ? Courez acheter ce disque (dispo sur leur site, à quand une distrib ?) et savourez ce grand moment du folk français.


DANA HILLIOT and his friends « I was a rabbit and I won ! » (Another record) Vincent Seguret est un personnage. Un grand monsieur que je respecte plus que quiconque dans ce pays. Une culture musicale et du droit d’auteur (un bouquin en préparation) et une intégrité (pionnier de la licence libre) qui force le respect. Vincent est le fondateur du nécessaire label poitevin ANOTHER RECORD, avec qui nous avons tant déjà partagé (des scènes, des artistes, du réconfort, de belles choses…). Il fut aussi l’auteur de très bon morceaux sous l’identité de Tino, qui n’avaient malheureusement pas bénéficié de la production qu’ils méritaient et que Vincent désirait. Que cela ne tienne, il envoya tout bouler et se remis à écrire. L’écriture et la composition sont vitales pour lui. Un sacerdoce. Une thérapie. Dans l’ombre, il se découvrit un nouveau pseudonyme (Dana Hilliot) et il écrivit ce qui allait constituer ce nouvel album, ses meilleurs morceaux. Mais cette fois ci, la production serait à la hauteur. Depuis l’épisode Tino, le label qu’il a créé a découvert plein de nouveaux talents : Half asleep, Jullian Angel, Wedding soundtrack…Il décida donc d’inviter une partie de ses artistes/amis tous excellents musiciens pour apporter leur aide dans la production de ce qui allait devenir un chef d’œuvre. Les 3 artistes d’another record suscités rejoins par Lunt (mon compère du label) et Delphine Dori petite amie de Dana se retrouvèrent donc embarqués dans une drôle d’histoire… Partis en week-end dans un studio dont on a perdu l’adresse, perdu en pleine campagne française, la dream-team qu’il avait ainsi constitué se voyait attribuer cette terrible mission : le premier jour, après leur avoir joué seul ses morceaux, ils devaient taper le bœuf, et donner le meilleur d’eux même pour trouver les accompagnements idéaux. Le 2e et 3e jours serviraient à enregistrer, le temps (et l’argent) étant limité il faudrait ne pas se rater sur les prises, tout en live bien évidemment. Mais ce n’était pas tout : l’homme imposa à ses troupes de sortir de leurs habitudes. A chaque morceau, chaque musicien devrait changer d’instrument, quitte à jouer d’un autre instrument qu’il ne maîtrise pas totalement. Toutes ses contraintes aller permettre à cette bande de se sublimer et de donner ainsi vie à un enregistrement qui pour sûr deviendra mythique. Dès le morceau d’ouverture « why did god leave us ? » Dana et sa troupe ressuscite un certain esprit baroque de la musique folk française disparu depuis plusieurs siècles, et miracle, cela fonctionne et ce n’est pas ringard ou hors sujet. D’entrée on est transporté dans un autre monde où la guitare de wedding soundtrack et la batterie de julian angel aux accents baroques se retrouvent confrontés aux drones futuristes et mutants de Lunt. Terrifiant. Sur le second titre, « I give you everything », Dana nous rassure : on sait désormais qu’il nous donnera le meilleur de lui-même. Et sur ce titre il convoque l’americana et danse sur la dépouille de Smog qui a déserté pour faire de la pop music joyeuse. « Girl’s asses » évoque la passion de Dana pour les femmes, et dieu sait qu’il les aime les femmes, parfois même trop. Sur une ligne de piano dont miss half asleep a le secret, il délègue le chant à wedding soundtrack pour un monument qu’il faudra ériger à la place de « femmes je vous aime » de julien clerc. Sur « to be a tree » Dana est seul avec sa guitare, Dana raconte sa passion pour les arbres, la nature, où il va souvent se ressourcer, nu, en accord avec lui-même, en paix avec ce monde. Si Dana devait être un arbre, il serait un chêne multi-centenaire qui aurait résisté à toutes les tempêtes les plus dures. « whispering » permet à Lunt de démontrer qu’il n’a pas perdu sa voix comme pourraient nous laisser penser ses derniers albums de musiques improvisées, et qu’il est grand temps qu’il se mette à penser à lui et à donner enfin suite à son premier brûlant album éponyme qui rayonne encore dans toutes nos nuits les plus sombres. Mais l’alcool n’est pas loin et « alcohol » nous rappelle que Dana souffre souvent en solitaire avec pour seul compagnon une bouteille. Non Vincent tu n’es pas seul à des centaines de kilomètres de toi je t’accompagne, aussi profond sera la descente aux enfers je serais toujours près de toi. Car cet alcool ne tue pas et permet souvent l’accouchement dans la douleur de chef d’œuvres. Car les 3 morceaux qui suivent, « darkness and me », « I’m not a drummer » et surtout « lions » constituent la moelle épinière de ton œuvre, sa quintessence, sa sève. Le meilleur enchaînement de titres qu’un album folk pourra à jamais contenir. Tout est là. La noirceur de la solitude qui nous ronge à tous, le cœur apaisé et enfantin de cet homme qui n’en est pas un (drummer ? dreamer ? je ne sais plus et je m’en fiche, c’est pareil) et ces lions qui rodent pour mieux nous dévorer. Comment leur résister ? comment résister à ces cœurs ouzbèques venus d’ailleurs et à ce tambour martial qui décompte nos dernières minutes de vie ? Le capitaine Massoud peut être fier de toi, il a enfin le morceau qui bercera son repos éternel. Mais il faut reprendre la route et c’est par l’Espagne que le voyage continue, jusqu’à Plymouth. Pourquoi reprendre la route ? il n’y a pas de raison valable, juste continuer à aller de l’avant pour défricher de nouvelles terres encore vierges, où les drones atmosphériques de Lunt sont partis en éclaireurs. « Sophie » t’attend là-bas, mais ce n’est pas de tout repos. Il faut tout reconstruire, tout reprendre à zéro. Car il n’y a pas que le sexe dans la vie, il y a le piano classique et les guitares étranges pour t’épauler dans cette lourde tache. Et tes amis sont tous là. Et ça compte quand même au final. C’est pour cela que tu nous dis que tu ne reviendras pas : « I won’t be back » sera ton épitaphe, un gros doigt levé à schwarzeneger et son monde de la consommation dopé aux hormones et autres stéroïdes. Et nous prierons pour toi, nous prierons en écoutant cette chanson de hippies tristes pour que tu nous reviennes vite, avec un nouvel album et plein de nouvelles aventures… J’espère que je vous aurais donné envie de vous plonger dans ce disque, qui mérite reconnaissance. Vincent aime souvent nous citer (unique records) comme label référence pour lui, comme ses parrains. Mais sache Vincent que moi je t’admire et que tu es mon modèle de boss de label qui a su sortir son propre disque sur sa propre structure. Puisse un jour pouvoir faire avec Melonhead un aussi beau disque que le tien…

PS : je tiens aussi à féliciter Mr Deles aka Lunt aka mon binome de label pour la travail énorme de production qu’il a fait sur le disque d’Angil et de Dana. Tu es notre producteur de l’année, LE producteur de l’année et tu peux être fier de toi. Jim O’rourke n’est plus très loin de toi !!!

Artistes Folk A La Française (janvier 2005).