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Oh, le bon disque de rock français que voilà. Matthieu Malon annonçait pour son sixième album un retour à des sonorités électriques largement enracinées dans les années 1990, et c’est effectivement le cas. Déjà, la forme idéale : dix titres, 33 minutes – amplement suffisant pour dégoupiller une grenade et laisser les destinataires survivre. Ensuite, d’une manière de plus en plus Astor Darc, cette capacité propre à Malon de savoir où, quand et comment puiser, pour quelles raisons et malgré tous les souvenirs que pourraient éventuellement évoquer les morceaux de Bancal. L’important n’est pas tant l’héritage qu’un besoin incessant de s’y ressourcer, et de toute façon, dans le cas de Matthieu Malon, depuis déjà une époque où il avait Froids, l’indie-rock, le slacker, la cold wave voire la new wave font partie de son ADN – nous n’aimerions pas en dire autant de certains « musiciens » français affichant bien haut leurs fétiches mais étant incapables d’écrire la moindre chanson décente. De plus, il n’y a jamais rien de hasardeux à avoir été fan des Smiths. Et Matthieu Malon n’en démord pas : un texte ne peut fonctionner que s’il dialogue avec une expérience personnelle, un souvenir qui s’incruste, une chose vue donc constatée, ou une pensée suivant les fluctuations de l’âge. Sur ce point, la bonne idée de Bancal, pour éviter que l’album ne s’écroule sous le poids des informations, est d’opter pour des paroles épurées, pleines d’espaces et de pudeur, afin de mieux laisser entendre l’armada des guitares déployée ici. Certaines phrases de Bancal n’exigent en effet rien d’autre qu’un effet miroir où chacun sera légitime de puiser ce qu’il souhaite : « Ce soir tout recommencera jusqu’à la prochaine fois », « Ce n’est finalement un secret pour personne », « Il va falloir passer à autre chose ». Ce sont parfois les phrases les plus élémentaires qui sont aussi les plus belles. Pudeur des textes, certes, car Bancal n’est pas un disque à vocation cathartique. L’important, pour son auteur, est de se faire plaisir, à la Neil Young, laissant rugir l’animal afin d’y dénicher des refrains souvent puissants mais humbles (proches en cela des Weather Prophets). Disque enregistré vite, en autoproduction, comme un revers nécessaire à la lourde machinerie du dernier laudanum, Bancal, en mai prochain, sera une nouvelle pièce importante dans le puzzle Malon.