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ADA : « Le pas de côté » ton nouvel album est-il né en réaction au précédent « Désamour » ?

Matthieu Malon : C’est sûr qu’après désamour, je me suis dit que j’étais arrivé au bout d’un cycle. Quand j’ai eu un peu de recul quelques mois après la sortie, j’ai d’ailleurs parlé régulièrement de mes 3 derniers albums comme d’une « trilogie amoureuse » : naissance-vie-mort. Il était vraiment temps de passer à autre chose. Dans ma tête, tout ça était d’ailleurs bien organisé, j’avais prévu de laisser tomber l’écriture en français pour quelques temps et de revenir vers mon projet anglophone electro laudanum. Et puis je me suis fait moi-même surprendre par ce disque qui m’est en quelque sorte tombé dessus. Sûrement parce qu’il était encore trop pour clore le dossier français et qu’il fallait un contrecoup à Désamour. On ne pouvait pas refermer la page sur une fin aussi sinistre :)

ADA : Je crois savoir que tu as écrit et enregistré une bonne partie de ce nouvel album lors tes trajets quotidiens en train entre Orléans et Paris ? Est-ce que c’était pour toi une contrainte ou au contraire une autre manière de créer ?

Matthieu Malon : C’est ma 12e année de trajets quotidiens Orléans-Paris. C’est long, pénible alors il faut s’occuper et j’avais envie de varier les plaisirs. J’alterne des périodes d’oisiveté, de rêveries, de sommeil, de lecture, je regarde des films, des séries, j’écoute beaucoup de musique. Depuis quelques années, j’écris aussi les textes de mes chansons dans le train. Je travaille les programmations de mon iPad pour les concerts. La tablette est vraiment devenue un outil central de travail de plus en plus indispensable et j’avais envie de tester l’étape suivante avec : composer et enregistrer dans le train. L’an dernier, quand j’ai travaillé sur les live de laudanum, j’ai découvert une application faite par Korg qui s’appelle Gadget et c’est vite devenu une addiction. C’est vraiment un logiciel incroyable et pour l’utiliser au mieux j’ai acheté un petit clavier de contrôle en 2018. L’été dernier, j’ai donc commencé à travailler tous les jours des bouts de mélodies avec ces deux outils connectés. En quelques semaines j’avais déjà accumulé une matière qui pouvait me permettre de travailler une vingtaine de morceaux. L’idée d’un album en français est venue très naturellement. Les textes ont été écrits dans le train dans la foulée. Je voulais même enregistrer les voix dans les toilettes, j’ai fait un ou deux essais vraiment pas concluants donc j’ai du finaliser le disque ensuite à la maison, le soir en rentrant.

Au final, je crois maintenant avoir fait de cette contrainte quotidienne un atout qui m’a permis de créer autre chose que ce que je fais d’habitude et surtout autrement, l’outil conditionnant un peu la forme du propos.

ADA : Pour ceux qui connaissent tes précédents albums, il y a un instrument central qui n’est pas présent dans l’album. « J’entends plus la guitare », pour paraphraser le titre du film de Philippe Garrel. Cette idée tu l’as eu avant même de commencer l’écriture ou elle est devenue une évidence pendant la genèse des chansons ? Et a-t-elle imposé la couleur musicale de l’album ?

Matthieu Malon : Les guitares dans le train, c’était compliqué. Je ne l’ai d’ailleurs pas envisagé une seule minute. Quand l’idée d’avancer sur les textes est apparue, j’ai tout de suite su que je n’allais pas en rajouter, le disque devait tenir tout seul (et bien droit) grâce au seul ipad et aux claviers que je venais d’enregistrer dessus. Du coup, c’est sûr que ça contribue à l’atmosphère générale du disque, moins plombée, il manque les grosses distos habituelles. Elles reviendront j’ai pas d’inquiétude :)

ADA : Je sais que tu écoutes beaucoup de musiques, est-ce que consciemment ou inconsciemment elles nourrissent tes musiques et tes arrangements ?

Matthieu Malon : Inconsciemment, certainement, comme tout musicien je pense. Consciemment, volontairement ça dépend des projets. Pour « le pas de côté » je me suis rarement censuré, même quand je sentais que je pouvais être proche de l’univers disons… d’Underworld par exemple. Il y a donc des formes d’hommages sur le disque, j’ai juste tout fait pour que ce ne soit ni scolaire, ni pompé et j’espère avoir réussi :) !

ADA : Sur ce nouvel album, il y a plusieurs chansons où tu contes des souvenirs de l’enfance : « Mon Luis Ocana Rouge » et « Le billet de cent francs » ou de jeune adulte « Le ZigZag » et « Le souvenir des autres fois ». Ce sont des thèmes que tu voulais aborder depuis longtemps où il y a eu un élément déclencheur ?

Matthieu Malon : On parlait au début de l’entretien de passer à autre chose. Pour les textes et les thèmes abordés, il le fallait aussi. Plusieurs personnes qui ont entendu le nouveau disque m’ont d’ailleurs dit récemment « il était temps que tu parles un peu d’autres sujets ». Ils ont raison. J’avais donc ces histoires en tête, toutes autobiographiques, j’avais écrit des bribes de choses (la rubrique sport / le billet notamment étaient déjà en jachère depuis quelques temps) et j’ai vite senti que ce type de souvenirs allaient bien coller avec la tonalité des mélodies enregistrées.

ADA : A l’écoute on ressent que « le pas de côté » a un potentiel pour plaire au-delà du cercle habituel des « fans » de Matthieu Malon. Est-ce que toi tu aurais envie que les chansons puissent être écouter par un plus grand nombre ?

Matthieu Malon : Je ressens ça aussi, peut être pour la 1ere fois, et oui j’adorerais ça, bien sûr. C’est compliqué de rencontrer un nouveau public mais j’espère que la sortie de ce nouveau disque permettra à quelques nouvelles personnes de faire ce pas (de côté ?). L’album n’a pas été fait avec cette intention mais c’est évident que c’est une porte d’entrée plus simple que désamour ou même « peut-être un jour ».

ADA : Pour t’avoir vu plusieurs fois sur scène, je sais que c’est ton jardin. Pour accompagner ce nouvel album as-tu quelques dates de prévues ? Vas-tu laisser de côté ta guitare ou alors tu te sens « nu » sans elle ?

Matthieu Malon : Oui, il y a pour le moment 5 ou 6 dates de calées ou en discussion. J’en cherche d’autres en ce moment même. J’ai testé 4 nouveaux morceaux lors d’un récent concert orléanais et j’ai décidé d’adapter les nouvelles chansons au répertoire actuel, donc j’ajoute de la guitare, pas encore possible psychologiquement d’être sur scène sans elle. Ca permet aussi d’avoir un lien entre l’ancien univers et les nouvelles ambiances. Je crois que ça fonctionne mieux comme ça que si j’avais fait l’inverse et adapter les vieille chansons en electro avec que des claviers. Je laisse ça pour laudanum plus tard :) !

Photos de Stéphane Merveille