Être à la hauteur de cette sublime pochette, c’est déjà un drôle de challenge que le trio lillois, From Your Balcony s’est imposé. Image avec un superbe soir et blanc d’un jeune couple amoureux dans un bar, la typologie aussi simple que gracieuse, nous rappelant les premiers disques de Belle & Sebastian, eux même ayant pioché dans le passé. Ce trio, c’est d’abord Nicolas Swierczek, auteur et compositeur et chanteur à la tristesse mélancolique, mais peut, il en être autrement quand on chante des chansons comme « Beautiful Alone », laissant les vibrations internes sortir sans endommager la ligne presque claire de l’extérieur. La voix est tout aussi fragile que forte quand l’éruption des sentiments se fait trop puissante, l’explosion étant obligatoire, mais maîtrisée. De facture classique au premier abord, le disque déborde d’arrangements précieux et modernes (dés « An Old Polish Heart » la messe est dite, ce trio est grand) qui pourtant n’inonde pas le principal, une alliance formidable entre des textes tout aussi intimistes que touchant l’essence même de nos vies, et un soin mélodique qui doit autant aux envies d’un mélomane qu’à un désir de traverser les obliques du désespoir avec classe. C’est très cinématographique, à l’instar de « Above my Head », plus grande bande son d’une fin de film mélodramatique. On notera, les apparitions stellaires de Louis Malle et Françoise Sagan sur « The Fire Within » (à noter son piano dans une arrière-salle qui donnerait le frisson aux plus retords à la mise en scène), le temps d’un texte terrible de lucidité sur le temps qui passe suite à une avancée musicale presque militaire, injonction qui prend encore plus de poids en cette période ou le temps nous semble volé. Mais également celle d’un sample de la bande-annonce du « Je t’aime Je t’aime de » d’Alain Resnais sur « Beautiful Alone » (une chanson titre évidente et poignante.). Entre Rivette et Mouret, même si ici pas de jeu de l’amour et du hasard, plutôt melancholy et infinite sadness, le cinéma de From Your Balcony ne choisirait pas, creusant un sillon avec une forme de modernité timide mais imposante. « Beautiful Alone » est donc un disque précieux dans tous les sens, et il est à l’image des deux amoureux sur la pochette, il mérite des rencontres nombreuses pour aboutir à la possibilité du regard. Sublime.