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On a toujours beaucoup aimé Lily Allen. Grande gueule proche de Joe Strummer, petit bout de femme particulièrement portée sur la débauche alcoolisée, personnalité forte (difficile d’oublier le cinglant « fuck you Elton » adressé, au Glamour Awards 2008, au chanteur emplumé de « Saturday Night’s Alright for Fighting »)… Surtout, musicalement, sur deux albums aussi commerciaux que cinglants, Lily Allen avait décroché la timbale : comme du Katy Perry corrigée par Sofia Coppola, comme une mixture explosive entre la hargne de Mike Skinner et la joliesse pop de Britney Spears, Lily Allen appartenait incontestablement à cette lignée britannique qui adore balancer les vacheries sur un air badin, faussement ensoleillé, véritablement vipère (des Smiths à The Auteurs, des Pet Shop Boys à Pulp, on ne connait que trop bien cet art de trousser des hits dangereux, cruels, assassins).

Depuis quelques temps pourtant, Lily Allen semblait plutôt habituée aux potins qu’à un très hypothétique retour discographique : fiançailles, mariage, grossesse, séparation, retrouvaille, grossesse… Le genre de choses dont-on se contrefout mais que l’on apprend malgré soi (à la laverie, dans des revues féminines, pendant que le linge tourne).

La belle Lily aura pris son temps, mais la voici enfin de retour aux affaires musicales. Troisième album, « Sheezus », et la sensation d’une plénitude, d’une étrange sagesse qui laisse malheureusement de marbre. Facile de comprendre qu’aujourd’hui, Lily Allen est carrée dans ses bottes, épanouie dans la vie et plutôt en mal de « fuck you ». Lily va bien, Lily est heureuse, Lily vous raconte dorénavant le quotidien dans lequel elle s’épanouit. Sauf que l’auditeur, ce vachard, adore ressentir la souffrance des artistes, leurs confessions inavouables, leurs folies étalées…

Du coup, ce bien-être déteint sur les chansons. Naviguant dans une électro-pop ayant dorénavant fait ses preuves, « Sheezus » est un album sophistiqué mais sans grande ambition. Moins aguicheur que le dernier Katy Perry (« Prism », qui laissait parler une voix certes commerciale mais qui en voulait, en exigeait, jusqu’à l’acceptable vulgarité), le come-back de Lily Allen sonne plat, gentil… « Sheezus » : album de trop, chanteuse n’ayant actuellement que fort peu à dire car l’esprit totalement déconnecté du monde musical (à l’écoute de ce disque, on imagine Lily bien plus accaparée par les couches-culottes de sa progéniture que par l’écriture de textes revendicatifs et destroy). « Sheezus » : album forcé, sans doute contre la volonté de Lily Allen qui aurait probablement souhaité attendre une ou deux années supplémentaires afin d’offrir un digne successeur au génial « It’s Not Me, It’s You ».

En soi, la morose platitude de « Sheezus » est plutôt bon signe : mère de deux filles, mariée et heureuse, Lily Allen respire un tel bonheur que sa musique y perd en verves et en sophistications. Lily délaisse aujourd’hui ses chansons. Elle les survole mais n’y met dorénavant plus son cœur. Elle les enrobe mais ne s’y exprime plus.

Prédiction : d’ici trois années, divorcée et revancharde (ce qui n’est évidemment pas souhaitable), Lily Allen déboulera avec un quatrième album lapidaire et méchant, son meilleur… En attendant, il faudra considérer « Sheezus » comme une pause inutile que l’on rangera dans la catégorie des « disques ratés d’anciens torturés en pleine forme ».




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