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La petite histoire, tout sauf anecdotique, raconte que les Beatowls (quasi-homophonie taquine, vous l’avez ?) se sont formés dans un entrepôt du Baltic Triangle, ancienne zone industrielle située au bord de la Mersey, réhabilitée en « The creative, digital and independant district of Liverpool » : espaces de coworking puant le café éthique pour prolétaires informatiques, restaurants solidaires inclusifs immersifs sourcés j’en passe et des meilleurs, IPA dégueulasse servie dans des gobelets en plastique consignés, moutons vêtus à l’identique, enthousiasme de pacotille, monde de rêve, de rêves de merde, que nos Hiboux – Carl Cook, Tom Roberts et Darcie Chazen – vont, avec un plaisir raffiné, malmener. En effet, si leur premier album, publié par le label franco-anglais Violette Records (Alex Pester, Meaning Of Tales, Tigers & Flies), a un pied dans une contemporanéité assumée – certaines compositions rappellent tout autant Portishead (sens de l’épure, mélodies vénéneuses) que The xx (vocalises mixtes, guitares pointillistes) et séduiront instantanément l’auditeur (I Pray est tubesque, la voix légèrement éraillée de Darcie fait des ravages ; All I See is Trouble invoque Massive Attack et le DJ Shadow de The Private Press ; le refrain de Nobody Knows est entêtant au possible et son spleen urbain gorgé d’infrabasses fait penser à Archive) – Marma, au-delà d’un premier tiers quasi-parfait, ne se limitera pas à une succession de morceaux mirifiques, oh non, Beatowls n’a aucunement l’intention de marcher dans les pas mainstream de ses congénères trip-hop et choisit, à partir de l’instrumental Twilight, lui-même suivi d’un autre instrumental (Cinders), de prendre le large. Et donc, avec (Do You Want To Be) Loved, porté par une longue introduction particulièrement excitante (basse et beat marquent chaque temps, comme sur le The Beat That My Heart Skipped de Dan le sac vs Scroobius Pip, voire le fameux Crazy de Gnarls Barkley) et des guitares aventureuses, Beatowls se lance dans une dance mutante, un chouïa Madchester, mais cold, très cold. Plus loin, on plonge dans le dub (après tout, le trip-hop n’était-il pas également du novo dub ?), Please Lie To Me supplie, menace, on a l’impression que The Kills aurait pu l’interpréter, et ensuite c’est John Carpenter qui rejoint la party avec Dreams of Home Invasion - il y a effectivement une approche cinématographique dans la production de Marma, qui est par ailleurs d’une précision monstre, un vrai travail d’orfèvre, à base de less is more, tant Carl Cook sait laisser parler et respirer des compositions hétérogènes néanmpoins passionnantes. En résumé, ne vous laissez pas avoir par leur allure sonore de premier de la classe, Beatowls ne cherche pas à devenir le prochain London Grammar, le groupe est bien plus espiègle, en témoigne son patronyme, les titres un poil cyniques de ses morceaux, et surtout cette capacité à farcir de noirceur ou de grimaces une réelle beauté qui n’en demandait pas tant. Très prometteur.




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