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Le shoegazing, à l’instar du post-rock, produit peu de chefs d’œuvre mais également peu de déchets, tant le genre est balisé. Qui pourrait résister à des harmonies vocales réverbérées et des guitares électriques aux entrelacs mélodiques à base de mi mineur et de la mineur, hein ?

Au début des 90s, Slowdive faisait clairement partie de la seconde division d’un genre mené par Ride et My Bloody Valentine : albums certes sympathiques mais jamais brillants, que l’on écoutait avec plaisir, sans vertige particulier, par politesse ou par désœuvrement. Il fallait meubler le spleen, le plaisir rare des rugissements planants, à la mesure de nos immenses attentes. Adolescence éprise d’arpèges répétitifs et de batteries clinquantes, viatique de héros sans panache qui nous conduisirent au grunge puis au lo-fi, nous aimions le feu sous la glace, la discrétion, l’emphase silencieuse, nous portions des Converse et des Doc Martens noires, nous traînions sur les routes de province en quête de disques introuvables au supermarché du coin, de concerts lointains et de vérités perdues d’avance. Nous étions une petite armée de personnes sensibles, assujetties au rock underground, et rien n’a changé. Quand ça gratte l’âme, c’est pour toujours.

Alors il s’est passé quoi, entre-temps, pour que Slowdive devienne le champion d’un genre musical certes désuet mais toujours prégnant, dont ils étaient, avec Catherine Wheel, Swervedriver et Chapterhouse, les moindres représentants ?

Imaginez une salle de bal brumeuse, fête de fin d’année au lycée, Kevin Shields, Mark Gardener et Andy Bell se trémoussent ivres morts sur la piste, ils accaparent l’attention, la lumière et le désir d’une jeunesse mélancolique, tandis que sur une chaise bancale il y a la douce Slowdive, que personne n’invite à danser. Rêveuse et solitaire, elle ne boit pas elle ne fume pas elle ne se drogue pas, elle n’en rajoute jamais, elle mènera une existence sans excès, qui lui permettra de traverser sans heurts, parenthèse Mojave 3 y compris, les décennies et, trente plus tard, lors des retrouvailles avec ses anciens camarades de classe, son teint de pêche fera des ravages.

Il faut dire que le quintet de Reading mené par Rachel Goswell, a en lui une âme de vampire, se nourrissant du sang de ses propres suiveurs, Beach House, The Raveonettes et Blonde Redhead, pour livrer un cinquième album presque parfait – certaines mélodies pop sont anecdotiques – qui vous scotche dès la première écoute. Plaisir garanti. Au-delà des chansons carrément addictives qui le composent, Everything is Alive est en creux un éloge de la patience. Moralité : miser sur la girl next door, c’est pas idiot, pensez-y lors de bal de promo, et laissez les sunlights à Mike le capitaine de l’équipe de football et Cynthia la pom-pom girl, qui vivent sans le savoir le meilleur moment de leurs existences insignifiantes.




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