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Après avoir lu l’autobiographie mal fagotée et brouillonne de John Lydon, publiée en 2014 - Anger Is an Energy : My Life Uncensored (dont le titre, qui faisait référence à la chanson Rise de Public Image Limited, fut couillonnement traduit en français par La rage est mon énergie, comme s’il s’agissait d’un ouvrage de coaching mental à l’usage des mous du genou) -, je me suis mis en tête non pas de réécouter les Sex Pistols (le punk, c’est de la pop jouée vite et mal, aucun intérêt) mais bien de me replonger dans les premiers albums de PIL, pour me rappeler à quel point ils étaient (en grande partie grâce aux basses de Jah Wobble) plus que bons – sauf à ce que le chant de Jean le Pourri vous fatigue les esgourdes.

Okay, Anger Is an Energy : My Life Uncensored est vachement moins marrant que La fièvre de la ligne blanche (Lemmy Kilmister dans ses grandes œuvres) ou The Dirt (Mötley Crüe déconne à sec et assume sans chouiner), mais livre en creux le portrait d’un artiste écartelé entre égomanie et quête de sens, qui le pousse à expérimenter tout et n’importe quoi (on en parle, de son passage raté dans l’émission The Masked Singer ou de sa participation récente aux sélections de l’Eurovision, sous la bannière de l’Irlande et qui plus est avec une chanson qui s’appelle Hawaï, dédiée à sa défunte épouse – Nora Forster, mère d’Ari Up, chanteuse des légendaires The Slits, avec qui il était marié depuis 44 ans ? Nan) et, surtout, dévoiler derrière une arrogance assumée, une complexité qui lui aura certainement joué des tours : il en va ainsi quand aussi jeune et sociologiquement désarmé on monte dans le train à grande vitesse du Great Rock ’n’ Roll Swindle.

Par évidente générosité, je n’évoquerai pas Pistol, l’abominable série télévisée de Danny Boyle consacrée aux tribulations de Malcom McLaren, Vivienne Westwood et leurs poulains rafistolés à coups d’épingles à nourrice, produite par les rebelles de The Walt Disney Company : depuis toujours, ce bon vieux Daniel transforme en pisse tiède (ou carte postale sans saveur) les histoires de ceux qu’il approche - Irvine Welsh (Trainspotting), Vikas Swarup (Slumdog Millionaire) ou Aron Ralston (127 Hours). Ouais, je l’admets, Sunshine est chouette, grâce au désabusé magnétique Cillian Murphy et la musique de John Murphy. Comment ça, c’est son pire film ???

Et donc, toutes considérations futiles énoncées par votre chroniqueur favori pour dire qu’au 21ème siècle Johnny Rotten reste, malgré des choix douteux et des propos politiquement hasardeux (reniement de l’anarchisme, doutes sur le mariage homosexuel, commentaires acides sur le boycott de concerts en Israël par Elvis Costello et Roger Waters), dans le game, il est temps de se plonger dans le onzième album de Public Image Limited, un End of the world dont la pochette hideuse se couvre d’un intitulé particulièrement fainéant (la fin du monde, c’est le grand truc de toutes les civilisations terrestres depuis l’aube de l’humanité).

End of the World commence très fort, avec un Penge tellurique, qui nous invite à visiter le quartier éponyme du sud-est de Londres : John Lydon éructe, les basses vrombissent, la rythmique tabasse mais les guitares électriques baveuses donnent le ton d’un mauvais hard-rock ; l’auditeur avisé peinera face à tant de banalité pataude. Il faudra un Car Chase vigoureusement électro lambada (???) pour se remettre dans le bain et renouer avec ce qui fait la force de PIL : la scansion, le risque, la rage. Et donc, après deux premiers titres poussifs, Being Stupid Again nous rappelle à quel point la théâtralité d’un Jean Le Pourri a du sens, quitte à énoncer des poncifs et singer les accroches vocalement minimalistes de Sleaford Mods : cette song est une tuerie sombre et froide, un modèle d’école, à l’instar des cours rock nihilistes délivrés par The Fall. Plus loin, Walls et sa basse roulante grondante smoothy cool apportent une décontraction lad discoïde et dansante – ne jamais oublier que le lad aime danser. Et ainsi de suite.

Certes, End of the world est loin d’être parfait, parfois il patauge ou fait du surplace, on pouvait ne plus rien attendre de Public Image Limited, mais la formule reste toujours aussi efficace, en partie parce qu’à la base l’auto-caricature fait partie du packaging punk. Ainsi, à a sa manière banlieusarde flegmatique, Strange marche sur les traces de l’irrésistible Crazy de Cee Lo Green et Danger Mouse : tube express, en coolitude et version pâle. La suite ? Funk martial tordu (Down on the Clown), spoken word jazz (Dirty Murky Delight), punk doo-wop (The Do That), screaming urbain lupin (North West Passage) : Public Image Limited et son leader à la fois vivace et amputé du cœur savent tout faire, et surtout saluer avec dignité le voyage en terres inconnues de feu Nora Forster. Un conseil non amical, écoutez Strange et l’affliction vous submergera.




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