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Après avoir, dans un album paru en novembre dernier, rendu hommage à Marcel Proust (« Il a des concepts philosophiques de fou. Il y a une virtuosité, une essence dans sa matière… »), Thibaut Guillon alias Brume Parole (l’architecte sonore) et Jonathan Guyot aka Panpan (le graffeur), étonnés par le succès de leur démarche (« On était en concert à Cabourg, on s’est retrouvé avec des mamies en transe sur de la french techno, c’était complètement dingue. Cela nous surprend toujours, cette cible hyper large que l’on peut toucher ») reviennent avec un nouvel opus, consacré au sculpteur Félix Charpentier, dont l’œuvre ample ne s’épargne aucun registre, qu’il s’agisse de monuments aux morts, de bustes ou d’ambitieux ornements, tels que la décoration de la gare de Lyon à Paris ou la façade du Grand Palais.

Au début du 20ème siècle, auréolé de distinctions et de récompenses – dont celle de l’ordre national de la Légion d’honneur -, Félix Charpentier est maire de Chassant, et aujourd’hui perdure en sa villa d’Eure-et-Loir, l’héritage d’une existence consacrée à façonner la beauté sous toutes ses formes.

C’est à Chassant, dans les jardins d’une Villa Charpentier propice à la rêverie active, que Brume Parole et Panpan présentèrent en juin dernier vie leur EP du même nom, lors d’un concert qui fit la part belle à l’improvisation – sous le regard impassible de la ronde bosse L’improvisateur, qui assista également au tournage d’une vidéo consacrée au morceau La Volupté. La formule fonctionne à merveille, même si les deux compères se projettent peu, enfants et métiers de professeurs restant la priorité : « On sent que nous sommes à la croisée des chemins. Sauf qu’on nous demande souvent le contact de notre producteur… mais nous n’en avons pas. Nous faisons tout nous-mêmes. ».

Brume Parole n’en est pourtant pas à son coup d’essai, en témoignent deux opus à l’époque remarqués sur ADA : Qui est-tu je ? (2020) et Présent Particulier (2022). Le label La Souterraine (dont les sorties récentes nous ont charmé : L’Argousier, Rouge Renarde, Ignatus) accompagne nos deux amigos dans leurs pérégrinations électronico-visuelles (Thibaut Guillon déclame, d’une voix blanche et sensible qui rappelle Olivier Triboulois, Jonathan Guyot arrose de couleurs fluides différents supports, toiles et sculptures), au charme indéniable. Et donc, en cinq titres, sur fond de synthétiseurs planants, de basses répétitives, d’arpèges acidulés mélancoliques et de beats en suspension, l’on dresse le portrait des instants perdus, des gestes enfouis et des perspectives incertaines. Selon Brume Parole, l’existence n’admet pas de brouillons. Lâcher prise, on improvise, voilà un programme plus que plaisant !