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Mur. Fermeture des frontières. Protectionnisme. Nationalisme. Repli sur soi. Peur de l’autre......j’arrête là sous peine de vous voir fuir sur-le-champs, déjà assez crispés par le flot ininterrompu de cette matrice anxiogène dans laquelle nous semblons être entrés. Face à autant de ressentiment et de coup de canif dans la toile de l’espoir, No Tongues, nous propose avec « ICI » une ouverture, des fenêtres sur le monde, adepte d’un field recording utilisé comme des témoignages sur le monde moderne. Pour cette échappée, Matthieu Prual, Alain Regardin, Ronan Prual et Ronan Courty ont d’abord cueilli des sons, et ensuite invité Linda Olàh, Iabel Sörling, Elsa Corre et Loup Uberto, pour venir festoyer autour de cette collecte.

C’est alors que nous devons quitter nos à priori, et offrir à notre imaginaire une trame de fond pour fuir nos affres, nos vicissitudes.

On entre dans le disque comme dans une des folies de Goran Bregovic et son orchestre pour les mariages et les enterrements. (« Kulning » chant scandinave ancestral permettant de raccourcir les distances)

Un enfant pleur entre les parasites comme apeuré par une nourrice qui doit autant à une forme de chamanisme sous l’emprise d’une Baba Yaga spectrale (Chien Chien). L’enfant pleur, mais la musique aussi, portée vers d’autres rives par un courant jazz combattant, mais hypnotisé par une rythmique diffuse mais insatiable.

No Tongues entame une transhumance (Makadam Fantôme), comme le quatuor a su le faire en incluant des sons électriques et de l’électronique, dans un savoir-faire avant tout acoustique. Nous sommes dans l’industrielle, le minérale et le végétale sont ici écrasés sous la force du son. Une voix psalmodie des incantations, avec prestance, bravant le chaos. La sagesse, déclamée dans la bouche d’un enfant pour nous sortir du possible terrassement, la sagesse qui a un mot, la poésie.

Alors (Parrandada de Entroido do Canizo) un chant traditionnel (on pense immanquablement aux travaux du Label Pagans autour de cette culture.) plante un décor qui doucement le rouvrira, comme les différentes voiles déposées sur le visage d’un défunt, pour que progressivement son image se brouille. Puis un ogre passe. « Fronni D’Alia », qui doit autant au théâtre de marionnettes qu’à une théâtralité grandiloquente et charmante comme le Kabuki. « Coeur de la Montagne » comme le réveil d’un géant qui pourrait tout ensevelir autour de lui, même le fracas des bruits du monde, les vies domestiques, même la vie la plus fragile. Comme un compte à rebours anxiogène, dans le cœur d’un train qui chercherait la gare la plus éloignée du séisme possible.

Avec « Onze Heure Trente et Une » c’est le fourmillement, la capacité de s’entremêler pour avancer, comme un mille-pattes commandé par une horloge interne aux synchronismes défaillant. No Tongues invente une distorsion du temps aux amplitudes non paramétrées.

Pour finir, « Finis Terrae », ou la plaque Pioneer de retour sur terre après un périple de 50 années. Il y a plus d’humanité dans ce morceau que dans l’intégralité de la production actuelle de musique pour les moutons élevés en prés fermés. No Tongues décloisonne tout, sans angélisme, sans le soleil trop apparent, s’occupant plus des ombres aux tableaux, pour mieux percevoir au loin, le crépitement et la lueur d’un feu sacré, celui d’une espérance qui nous semble pourtant impossible. Ici et nulle part ailleurs.




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