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Existe-t-il une période pire pour sortir un film ou un nouvel album, que de choisir le deuxième trimestre 2020 ? Si les films étaient tributaires des salles fermées, les disques nouveaux n’étaient pas une valeur refuge, le cloisonnement nous incitant à nous blottir contre nos doudous musicaux plutôt que sur des nouveautés, fussent elles même l’œuvre d’un groupe que nous suivons depuis les débuts d’ADA. Et pourtant si la date était mal choisie, le titre de l’album synthétisait à merveille notre envie, notre désir, celui de partir loin, dans un endroit qui ne pouvait qu’être rêvé, le globe dans son ensemble vivant la même urgence à ne pas se côtoyer.

Pas totalement sourds aux nouveautés, nous avions invité le groupe Hitchcockgohome ! pour le Volume 54 de nos compilations, troisième participation depuis 2005.

Au premier abord pas de dépaysement à attendre de ce nouvel album. Le personnage dessiné par Mael est toujours confronté à des avions, sauf qu’ici, c’est tout à la fois l’ombre du réalisateur de « Vertigo » qui est évidente (Elle était implacable sur « You Cannot Be Serious !... »), celle plus surprenante du fantastique film de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack sur ce grand gorille qui n’avait rien demandé à personne.

Rassurez vous « ( Escape, Escape, Escape) » n’est pas un disque monstrueux, mais il pourrait quand même vous dévorer tout cru une fois que vous serez tombés sous le charme et la puissance d’un titre comme « Weird Season » (masterpiece d’un disque qui dans son ensemble ne rate jamais sa cible), dorloté que vous aurez été par l’entrée country folk à la sauce HGH de « Leave no Trace  » ou « Cold Blood » qui verrait le 16 Horsepower perdre de son mysticisme.

HGH maîtrise à merveille quelque chose de rare, dégager une tension une pesanteur tenace, sans jamais hausser le ton, sans faire appel à une blitzkrieg sonore, pouvant réconcilier et faire fusionner dans un pacte artistique, les fans de Mogwaï, Jim O’Rourke, Gastr del Sol et Yo La Tengo . Ils sont rares les groupes qui arrivent à ce point à faire cohabiter sur le même plan la musique et le chant, les voix comme un instrument à cordes aux inflexions touchant au point névralgique des morceaux de l’album, la mélancolie (les harmonies vocales sont prodigieuses.). Il y a quelque chose de planant sans jamais nous faire quitter l’atmosphère (« 4000 Miles » monstrueux) même quand il parle d’amour.

À part dans la scène d’ici, à l’instar d’un groupe comme Cvantez, Hitchcockgohome ! maitrise son temps, ne s’arc-boutant pas sur des principes, à part celui de soigner une écriture qui ne réclame pas d’artifice, mais une interprétation précieuse que le groupe a. Bien au-dessus de l’impalpable temps. Grand disque.