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Imaginez que votre femme vous quitte la veille d’une pandémie mondiale qui vous empêchera de voir autre chose que votre bull-terrier pour qui vous avez obtenu la garde après d’âpres discussions pendant le divorce, attaché que vous étiez à cette boule de poils plutôt qu’au dernier écran plat nouvel génération. Imaginez que dans le même temps, vous avez décidé de quitter l’association locale suite à des infos venant de votre voisin aviné qui disait qu’une plainte courrait contre vous au sujet d’un vol dans les caisses de l’association. Vous auriez en gros la vie de l’Angleterre post brexit, avec une petite partie de gens heureux, une partie de la population malheureuse, et une grosse partie de cocus, amateurs de la roulette russe avec un filet de protection. Sauf que le filet en l’occurrence avait un gros trou, aussi large que l’étoile manquante sur le drapeau européen.

C’est dans cette posture que c’est retrouvé le duo Lunatraktors. C’est Marianne Dissard qui a fait découvrir le duo, véritable passeuse, tombée sous le charme de cet univers loin de la froideur rituelle de la scène indé qui est devenue par ses codes une forme de nouveau mainstream formalisé et sclérosé. Le passage sur disque d’un univers très théâtral avait de quoi freiner le désir d’écouter « The Missing Star », suite d’adaptations, de reprises (dont le « Love Lover Lover » de Leonard Cohen) avec comme lien, dénoncer les mensonges, la séparation, chanter son amour de l’étoile via des musiques dont certaines font le lien de l’Angleterre depuis des siècles. C’est ce que le duo a certainement compris, excluant la représentation fantasque (hormis peut-être sur « The Exciseman ») faisant de l’interprétation et du choix des morceaux le corps même de ce disque, qui s’impose comme une captation de l’instant par le prisme d’un patrimoine remanié sans perdre de son pouvoir. La dénonciation est le fruit de détournement, même d’un discours politique sur le « The Missing Star » digne du Flying Circus. Sans faire de mise en scène, mais en ne reniant pas le pacte de naissance de ce duo, Lunatraktors parvient à capter l’attention d’un auditoire, qui en cette période de la fermeture des salles, et une scène ouverte sur le trou béant que l’Angleterre s’est creusé, avec le souhait qu’au fond de celui-ci la puissance de l’âme (The Keening) entraîne les fossoyeurs que sont Nigel Farage et sa cohorte de mauvais dramaturges. Let England Shake.




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