Depuis pas mal d’années, le travail sur les musiques dites traditionnelles pouvait au mieux s’apparenter à un véritable hommage dans le cadre d’une collaboration, comme a pu le faire Goran Bregovic avec son orchestre pour les mariages et les enterrements, ou un véritable pillage quand il s’agit de ne rependre que les facettes les plus attirantes pour les plonger dans une modernité pas toujours très fine, mais toujours mercantile. Angrusori est à ranger dans la première catégorie. Disque né de la collaboration entre les Norvegiens de Kitchen Orchestra et des musiciens slovaques, « Live At Tou » est une plongée vertigineuse, mélancolique et dépaysante dans une musique traditionnelle. Celle-ci dialogue avec le Kitchen Orchestra. Cette conversation étonnante voit naître un objet unique où la musique contemporaine arrive à créer des passerelles entre son expressivité souvent décriée et la captation plus directe des émotions de ces chants et musiques qui sont les traces laissées par les âmes d’un peuple. Entre la souffrance, joie, partage et revendication, et la désinvolture, la recherche de l’inconnu, la distorsion de nos certitudes déstructurées, un lien presque indéfectible semble naître, comme si le caractère patrimonial de l’un entraînait le caractère plus débridé et chasseur de l’autre vers une lisibilité universelle. Et c’est la force de ce disque, car rien n’est pillé, tout est partagé, le patrimoine s’octroyant le pouvoir de se mouvoir sans se dénaturer, prenant la musique contemporaine comme un copain de jeu qui perdrait sa préciosité présupposé. Conversation culturelle culte et enivrante.