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Il y avait un Indien, il était le témoin, mais il ne parlait pas notre langue. Il était perdu, à pied sans son cheval. Le sable semblait le statufier, la chaleur le figer. Nous devinions dans ses yeux qu’il savait, mais qu’il ne pourrait peut-être le dire, l’expliquer. Il prendra un bâton, il s’accroupira pour finir par s’assoir à même le sol. Avec le bâton il commencera par dessiner, puis, avec précision, il inscrira Butch McKoy. Il se relèvera, nous regarda et avec son bâton pointera ce nom inscrit à même le sol, nous suggérant de le mémoriser rapidement, le vent étant un ennemi de ces écrits éphémères, les chassant comme un puzzle qu’il sera impossible de refaire. Puis l’indien nous quitta, se tapant une fois sur le cœur, avec force.

« Heart Ink Black » ressemble à un livre d’histoire que la tradition orale aurait amené à Butch McKoy, cowboy échappé de I Love UFO, frère d’âme de Lift to Experience, cousin de Nick Cave dans la façon de conter les histoires, disciples d’une église que le prêcheur David Eugene Edwards aurait transformée en un salon des âmes mortes.

Originellement composé pour illustrer la pièce « Lucrece Borgia" mise en scène par David Bodée et jouée par Béatrice Dalle, ces chansons semblent s’échapper d’un western noir, un film sans soleil, mais à la chaleur étouffante, un film caméra tenue par la mâchoire. Elles sont d’une force émotionnelle éprouvante (écouter My King sans avoir la chemise trempée de sueur c’est ne pas l’entendre) décharnées sans rendre invisible des lignes mélodiques bouleversantes. Ce disque ne s’écoute pas, il se vit, il vous happe, sans aucun artifice, invoquant des esprits par la grâce d’une guitare erratique et d’une voix qui cherche la lumière au milieu de ce qui ressemble à un chaos, dans une ville sans âme pure, une ville découverte et vite crainte.

Incandescent sans jamais mettre le feu, l’album brule de partout, durci le cuir et imprime sur celui-ci des vers comme des incantations. « Heart Ink Black » est comme un grand livre d’une légende qu’un jour un Indien dessina sur le sable d’un sol bientôt recouvert d’un béton sans avenir. « Heart Ink Black » est un fleuve asséché, un sol brulant sur lequel la pluie s’évapore. « Heart Ink Black » est un grand disque troublé, un disque des âmes mortes qui hantent un paysage figé.




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