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Vite remettre de la musique, reprendre le clavier, exorciser, ne pas spécialement penser à autre chose, « transcender », sans pour autant essayer d’écrire dessus en poétisant, en essayant de se gonfler le torse et son ego sur le dos des gens face contre terre. Reprendre un disque, pas spécialement comme un acte important, juste comme un acte habituel, mais avec quand l’impression fugace de faire quelque chose de presque, je dis bien presque militant. La nuit tombe vite en cet Automne, et elle semble devoir être longue, pesante, alors pour la supporter, ce geste simple de mettre un disque est aussi réconfortant que de remettre une buche dans la cheminé quand le pull chaud ne semble ne pas suffire à éviter nos corps de greloter.

Pour ce retour vers ce qui nous sauve l’esprit, j’ai choisi le volume 1 des Sessions Fantômes. Aux commandes Arnaud Le Gouëfflec, touche à tout bienveillant qui respire la culture et qui sait la redistribuer sans jamais faire de sélection, ouvrant grand ses bras à tous, véritable esprit vivant de la culture d’ici, une éponge, mais pas un Bob, passerelle vivante sans préjugée, sans ostracisme, sans pédantisme, un mec bien et partageur, dont l’humilité n’a d’égale que la pantagruélique production culturelle. Docteur Eugene Chadbourne historien du blues et du folk américain, maître improvisateur, est un ex-partenaire de Tom Cora ou encore de John Zorn. Olivier Polard historien du rock en Bretagne, compagnon de route de Arnaud Le Gouëfflec et John Trap Deux fois dans le même fleuve. Et enfin John Trap, ogre minutieux, poète timide, sculpteur de cailloux rieur, donneur de vie, sorte de druide du son.

Eux quatre, sous l’égide de la féconde et partageuse Eglise de la petite folie, ont ouvert le 4 septembre 2014 la série des sessions Fantômes, une sorte de jam semi improvisée. A eux 4 ce 4 septembre, il firent 4 titres, 4 véritables respirations que nous prenons là, aujourd’hui, un 17 Novembre, comme une bouffée d’oxygène, tout à la fois jouissive et réconfortante, et quelque part émouvante. Deux des titres sont disponibles sur nos compilations dont le fameux Mosha Parle, titre d’une beauté inouïe, peut être l’un des plus beaux moments de poésie populaire que j’ai pu écouter. Plus de 10 minutes avec un souffle rare, une liberté non pas frondeuse car il n’y a pas à se venger de quelque chose, non juste une façon de partager sans aucun filtre. Mosha Parle, Arnaud Chante, John, Olivier et Eugene jouent, et nous, nous suivons le frisson parcourir notre épiderme.

Ironie de l’histoire, ironie plutôt du moment, c’est par « mieux vaut trouver la mort » que s’ouvre cette session fantôme, chanson pantagruélique et hypnotique, une guitare telle un chef de meute n’arrive pas à faire entrer sa troupe dans le rang, une farandole étonnante, chamarrée, hirsute, comme un carnaval nordiste, mélancolique et rieur. L’ensemble porte la voix d’Arnaud Le Gouefflec, cette voix chaude et rassurante. Ce sera le banjo de Eugene Chadbourne qui sera la liaison avec « Un Chat un Chat », titre qui se termine dans une forme de chaos après un duel au couteau, une scène dans un western avec des pistolets en plastique mais avec des mots comme des balles en poil à gratter pour un ego mal placé. Mosha parlera alors, attendant la nuit pour nous parler d’amour, de ses complications, sans que personne ne puisse l’écouter, car la nuit Mosha est malheureusement seul. Aimons Mosha qui se cache, serrons le fort dans nos bras, et soignons le de ses mots qui peuvent le blesser le jour, et écoutons le, même à l’envers, car vraiment quand Mosha parle il est nécessaire que nous l’écoutions. C’est un collage, « Chad and Glue » qui clôturera cette première session, mélangeant théâtre, cinéma, conversation volée, trituration, improvisation (avec Molly Chadbourne) sous les effets d’un gaz hilarant pour mieux oublier le bruit des bombes.

Version alternative

L’angle avec lequel j’ai écouté ce disque est indéniablement tributaire de l’ambiance générale, dans cet instant effrayant, pendant lequel même l’art n’a pas le pouvoir de nous extraire de façon irrémédiablement de la peur. Mais cette session fantôme a eu le mérite de me remettre à écouter autre chose que mes disques pansements, mes madeleines de Proust contre lesquelles je me love quand le moral est au plus bas. Donc l’art ne résoudra rien, d’ailleurs c’est quand même beaucoup lui mettre sur les épaules, mais avec des disques, comme cette session fantôme, il est réjouissant de voir qu’il puisse nous sortir de notre torpeur, de nous interroger, de nous faire sourire, et de nous faire parler, même dans le noir absolu dans lequel nous sommes actuellement, et Mosha n’est pas étranger à cela.




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