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Le milieu de la nuit. Trop tard pour s’endormir, trop tôt pour se lever. La fenêtre ouverte malgré la fraicheur d’un printemps sans fin, une saison entre deux eaux. Une nouvelle insom’nuit. Au-dessus de ma tête tourne et tourne et tourne ce carrousel en bois et papier coloré, manège tourmenté, mobile déclinant à l’infini ces notes faussement enfantines ; l’émotion revenue semble parfois aussi pure qu’au premier jour. C’est la vie qui défile, les envies de nuages, les envies de voyages, au plafond les images de nos émois projetées en 8 mm, les multiples nuances de l’amour s’y superposent, je repense à nous, à toi, ton doux visage. Des silhouettes passent de l’ombre à la lumière, de la plage au boulevard de la mer, on se court après, on se trouve, on se perd, on se cherche sous un ciel étoilé. Le léger tremblement de ces scènes sans paroles m’émeut encore, cinéma intime et mélancolique, le grain de la pellicule, le cœur en équilibre sur le fil de cette voix proche, le tranchant de cette peau qui s’éloigne pour mieux revenir. Les lumières de la ville éclairent ces couples encore dans la joie de l’instant, pile à l’heure où l’aube éteint les dernières étoiles qui filent en douce, tous ces regards qui errent dans la pénombre à la recherche d’un accord, d’un souvenir, d’une invitation, d’une promesse.

Chez Nancy Boy, tout est nuance, la voix subtilement androgyne chuchote, chantonne, ondule, joue avec notre cœur prêt à chavirer, à passer par dessus bord, amer, mais nous retient, chaude, elle enveloppe nos tensions d’un voile de douceur qui apaise. Les délicates compositions nous serrent l’âme, les orchestrations précises dessinent une ambiance veloutée, une tonalité intime, tout en éclairant les chansons d’un raffinement précieux. Parfait équilibre d’électronique et d’acoustique, Nancy Boy s’expose guitare à la main avec ces miniatures universelles sur les affres des amours qui vont et viennent. Sans en faire jamais trop. Le sens de la mesure. Mise à nu pudique et délicate. Retenue mais chargée d’émotion, sans frime et sincère, le bon goût en étendard. Une pop qui flotte quelques mètres au dessus de nos têtes pour dire nos peines, nos joies. C’est joliment mélancolique mais jamais sombre. Toujours éclairé.

Chez Nancy Boy on court après l’amour, (« Where you go i go »), on n’a pas vraiment de certitudes, on doute, on sait qu’il faudra affronter des vents contraires, mais on cherche quand même la ‘’ligne de cœur’’ (« Toi, moi »)… Chez Nancy Boy on connait les hauts et les bas, on sait qu’on les affronte mieux à deux (« Il faut que tu sois là », « Emmène-moi à Formentera »)… Chez Nancy Boy on regarde le temps qui passe (« La plage »), on cherche des réponses dans les regards de l’autre, on assume ses faiblesses, ses lacunes, ses envies de partir, on passe du temps à attendre (« J’t’attends toujours »), à espérer, on parle des absents, bref, on vit, on aime. Un peu comme chez nous…

Jolies séquences de transports amoureux, ces dix morceaux sont comme des carnets de voyages intimes, où se croisent la tentation de l’évasion et nos éternelles questions : un album baigné de lumière douce et de spleen léger, un disque solaire et élégant. Une certaine idée de la pop française. Un disque plein de charme porté par une voix singulière et très attachante. Pour passer l’hiver au chaud.




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