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Dans son bouquin « Retromania », Simon Reynolds affirme que le présent musical est une époque en « re » (réédition, revival). La pop actuelle ne serait qu’un écho du passé, une vieille recette appliquée avec plus ou moins de bonheur mais sans génie particulier. Car si le hip-hop, la techno ou la drum’n’bass imposèrent de nouvelles ouvertures sonores, la pop, elle, reste toujours agripper à des certitudes qui mènent à l’essoufflement (il suffit, par exemple, de constater l’ennui qui nous accabla lorsque, durant quelque chose comme deux années, la plupart des groupes pop devait impérativement sonner façon Sarah Records – un revival intriguant au début puis lassant à force d’albums interchangeables).

Admettons que la pop n’est qu’une machine à recycler ses grandes heures lointaines (un argument auquel lecteur et chroniqueur ne sont pas obligés de souscrire). Que nous reste-t-il donc à faire ? Bazarder 90% de la production actuelle et devenir érudit jazz ? Vivre dans le passé en soutenant que la pop est morte en 69 ? Autrement-dit : profondément s’emmerder ? En attendant le disque ou l’artiste qui modifiera le visage de la pop jusqu’à lui offrir une grammaire inédite (ce dont tout le monde se contrefout), l’auditeur en restera à des principes élémentaires : s’enthousiasmer pour des grands disques (car il y en a, bien heureusement) et continuer à défendre une race un peu à part, un peu privilégiée : le grand petit disque (ou le grand petit groupe, selon le degré de carrière de la formation). Constat applicable chez la plupart des amoureux de pop : plus de la moitié de nos collections discographiques ne provient que de « petits » groupes que nous n’échangerions pourtant jamais contre une quelconque valeur établie. Au hasard : Felt, Peter Astor, The Field Mice et plein d’autres... Des groupes mineurs qui, pour nous, constituent néanmoins le haut du panier tant leurs faiblesses musicales permettent un lien d’intimité indépassable et indéfinissable, un lien quasiment consanguin que nous ne pourrions envisager avec d’autres, trop virtuoses, trop intimidants…

Ce long texte pour vanter les mérites d’un grand petit disque qui, sans la ramener, sans prétendre jouer aux malins, squatte continuellement notre platine depuis sa sortie : « Dawn of Delight » de Tropical Popsicle, donc. Simon Reynolds parlerait probablement ici de revival psychédélique, sans doute à raison… Groupe en « re », Tropical Popsicle pratique une sorte de néopsychédélisme qui doit autant aux Stones Roses souvent, au Brian Jonestown Massacre parfois, aux Jesus & Mary Chain le temps de quelques détours noisy, inconsciemment à Revolving Paint Dream si l’auditeur accepte de creuser les racines.

Il serait facile et injuste de crier à l’album lave-linge (qui nettoie et blanchit les couleurs d’antan). Une critique que nous n’adresserons pas à Tropical Popsicle. Aguicheuses lors d’une première écoute attentive, addictives durant les trois ou quatre suivantes, in finish éternelles, les chansons de « Dawn of Delight », mine de rien, reprennent l’histoire que les Stone Roses avaient lâchement abandonnée au temps du raté « Second Coming » : une pop psyché qui préfère la beauté des refrains aux incertaines dérives atmosphériques, des compositions diaboliquement efficaces car toutes axées sur un songwriting qui cherche à prouver son potentiel tubesque (et c’est souvent le cas chez les Tropical)…

« Dawn of Delight », ce n’est probablement que trois fois rien, un simple délire issu de nos esprits enfumés, un groupe qui mourra un jour dans l’indifférence générale (ou peut-être pas ?). Qu’importe : le temps de quelques semaines, un grand disque mineur a ensoleillé nos existences. Rien que pour cela, le fan reconnaissant défendra toujours « Dawn of Delight », quand bien même Tropical Popsicle est-il un groupe en « re ».




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