> Critiques > Autoproduits



En parcourant diverses chroniques relatives au nouvel – et cinquième – album de l’Oaklandais Blake Aaron Henderson, alias TaughMe, sachant que Laugh On Me a été enregistré en Islande, terre de poussière, de feu et de projets musicaux à très haute valeur ajoutée, la stupeur me saisit lorsque j’apprends la mort de Ryan Karazija qui, sous le patronyme Low Roar, magnifia mes solitaires pérégrinations vidéoludiques en terres désolées, imaginées par un Hideo Kojima dont les alambiquées obsessions narratives nourrirent le chef d’œuvre imparfait que fut Death Stranding. C’est donc avec un pincement au cœur que je m’engage dans les onze morceaux de Laugh On Me, riches de collaborations avec des membres de Múm et Florence and The Machine, et dont le titre laisse présager une ironie douce amère à la mélancolie prégnante. Porté par un chant aux contours indéfinissables, à la limite de l’androgynie, rappellant Jón Þór Birgisson, les chansons bleu sombre de TaughMe naviguent entre ballades expérimentales et dérives pop atmosphériques aux arrangements somptueux – saxophone, violoncelle, harpe et pedal steel guitar. Parfois, au détour d’une mesure inattendue, la grandiloquence s’empare de compositions sur le fil du rasoir, entre brûlure et quiétude, comme s’il fallait en même temps tout ressentir, parce que le temps est compté. La touchante biographie de Blake Aaron Henderson évoque son rapport au bien et au mal, héritage d’une enfance mormone complexe : « After growing out I learned that every one of us was secretly bearing that burden, each convinced they were the one baddie in a chapel of goodies ». Il faudrait vivre des siècles pour se libérer d’une telle programmation indélicate (je mesure mes mots), l’actualité récente montre qu’il est difficile, voire impossible, de se débarrasser des idéologies rétrogrades qui polluent nos spongieux esprits. TaughMe , pas à pas, s’exonère en musique des névroses qui hantent son auteur. Ici, pas de sommets, mais une constance d’orfèvre dans un cheminement sincère qui parcoure de bout en bout Laugh On Me, ce qui en augmente considérablement l’universalité, pour peu que vous soyez aptes à en saisir les nuances. Islande, terre de feu, de poussière, et de deuils à digérer, d’autant plus lorsqu’il s’agit du deuil de soi-même : Laugh On Me serait une très belle épitaphe.




 autres albums


aucune chronique du même artiste.

 interviews


aucune interview pour cet artiste.

 spéciales


aucune spéciale pour cet artiste.