Nous passons une bonne partie de notre vie à la rechercher. Nous la guettons, nous tentons de l’apprivoiser sans jamais la déposséder de sa liberté. Elle a tendance de plus à nous échapper, soit par choix, soit, car elle se voit anéantie par son ennemi qui semble indestructible, se renforçant de jour en jour, la laideur. Oui, nous essayons de n’être qu’à son contact, quitte à ce que la mélancolie de sa possible disparition nous plonge dans une forme de tristesse. Parfois, nous avons la chance de la croiser, de la posséder, quand elle est l’apanage non pas de chercheurs, mais de véritables alchimistes qui savent dans une époque où la laideur avance à la vitesse d’une tempête destructrice, faire éclore ce qui pourrait s’apparenter à un eden espéré. Quand deux de ces magiciens se rencontrent et décident de s’allier pour faire avancer la beauté, cela pourrait s’apparenter à un rêve éveillé, à une concorde presque divine nous extrayant du trou noir avec la force de la douceur.

Il y a Chris Hooson alias Dakota Suite connu chez nous via l’excellent label bordelais Talitres Records. Cousin de Low, frère de cordée de Mark Eitzel dans l’escalade perdue des montagnes de tristesse. Il est accompagné de nouveau de Quentin Sirjacq (ils signèrent ensemble le sublime " There Is Calm To Be Done" déjà repéré ici en 2015) muti instrumentiste français, qui grâce à son piano combine tradition et expérimentation dans une approche qui s’apparente à un travail d’orfèvrerie. "The Indestructibility of the Already Felled " est une forme d’hommage au Japon, une tentative de retranscription par la musique de ce que la culture encastrable de ce pays insulaire peut avoir de plus forte de plus lumineuse. Il en découle un disque d’une beauté irréelle, un disque au mysticisme éveillé, nous offrant sa main pour nous guider sans nous l’imposer. Les onze plages de ce disque sont autant de propositions pour nous extraire le temps de son écoute de la lourde pesanteur qui nous colle de plus en plus lourdement dans un sol nous empêchant de continuer cette quête qui nous obsède.

Un disque proche du Japon, proche surtout d’un idéal de vie, ou plutôt d’une vie idéale. Un disque sublime, beau et magnétique. Chef d’œuvre.