Ce disque n’en est pas un. Ce n’est pas un album quand dirait les anciens, ce disque est un témoignage, une archive que nous pourrions même classer comme inestimable. Nous sommes entre 1990 et 1992, la France s’endort au son des fientes de Roch Voisine, Bruel, Kaas et compagnie, et pendant ce temps, dans des bastions où la maitrise du fer a souvent été le quotidien d’une population subissant le progrès sans en profiter, des jeunes gens rattrapaient le retard de l’after punk, et prenaient les premiers wagons de la noizy pop, sans ticket de retour, sans même consulter les horaires et le nom de la gare d’arrivée. Il en sera ainsi pour This is Daddy Long Legs, groupe qui ne sortira pas un disque et qui 30 ans après fournira une preuve irréfutable que le rock « indépendant » d’ici valait largement celui que les Anglais nous envoyaient via un Eurostar naissant dans un studio 105 pour des black sessions qui n’en demandaient pas tant. « Noise Gate » est un vestige de ce passé méconnu, celui d’avant les réseaux, les enregistrements soignés et maison, celui où l’image était la dernière chose à s’occuper. « Noise Gate » est un rassemblement de démos du groupe mulhousien This is Daddy Long Legs. Il est comme un chaînon manquant d’avant l’arrivée des Thugs, une criante ouverture spatio-temporelle qui pourrait dégommer nos classements de l’époque, squattés par une production anglaise cachant une possible forêt française grouillante.
« Noise Gate » n’en est peut-être qu’un arbre, mais à lui seul, il permet de dévoiler une forêt primaire qui cache des secrets insoupçonnés. L’histoire, même avec un train de retard, est enfin en marche.