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L’étrange équipe nantaise de Federico Pellegrini (a.k.a. French Cowboy, ex-Little Rabbits) et E’Joung-Ju (joueuse d’un geomungo, instrument traditionnel coréen) obsède à travers une musique aussi improbable que le duo, Federico penché sur sa guitare, ses pédales et trifouillant son clavier d’une main, E’Joung-Ju grattant, frappant, tiraillant dans tous sens les six cordes du geomungo.

Ce qui jaillit alors de Moon Gogo, comme jaillirai d’un éclat de verre un arc-en-ciel, c’est un mélange folk de musique irisée, confuse et floue, l’impression d’une danse débraillée venant d’ailleurs entre les sursauts de chaque instrument, ou d’une nouvelle langue à comprendre. Quelque chose qui échappe aux frontières, aux étiquettes, quelque chose de mouvant et n’ayant de cesse de vibrer.

Avec tout ça, bien des choses seront proposées : une lente litanie un poil morne, qu’on suit du bout des lèvres de Federico, sur « Hangukae Dal » ; des incrustations pop et électrisées sur le follement pop single « Joy » ; des hypnoses lunaires sur un morceau plus long comme « You Say I » (qui se permet des nappes tordues dans le lointain, la répétition d’un riff, et de tirer sur bien des cordes).

Ce sont autant de recours à l’expérimentation que le besoin de créer se fait ressentir, le besoin d’hurler un ressenti propre et instantanée, se traduisant en rage parfois pleine de fuzz et de noyades de son (on pense à « Panema » où la guitare recouvre tout, saupoudre l’incartade de clavier et les supplications de Federico, jusqu’au retournement de la voix finale), parfois en morceaux pernicieux (la supplication stressée de Chulgang : « I’d rather be nowhere at the time », qui se casse pour offrir une réponse murmurée et pas plus rassurante, avant un retour plus énervé au thème initial), parfois en virées krautrockisantes de haute volée, pleines de battements, de claquements, de chant proche de l’invocation, de riffs énervés (« Sally’s Gone », où se greffe une voix difforme et réverbérée, un motif des cordes du geomungo frottées très rapidement, comme un vibrato de percussions claquantes).

Ce sont tous ces feedbacks, toutes ces hypnoses entre punk de chambre orientalisé et balade mi-glandeur mi-psyché folk qui permettent à Moon Gogo de construire leur nouveau langage musical, une langue comme terre d’expérimentations, qui peut parler à la fois la brutalité renfrognée et la contemplation pleine de bruits, parler d’une langue désabusée et attachante, et chanter des colères comme des fatigues, venir griffer comme venir reposer sur une balade finale où la voix s’éteint un peu, la guitare lancine et le geomungo pointe quelques cordes.

C’est une langue vivante, forte de sens, et complexe que Moon Gogo nous diffuse. Et nous pouvons nous estimer chanceux.




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