On se prend parfois d’affection pour un groupe et on refuse de le laisser mourir en paix. Généralement, faut-il le préciser, l’objet de cette adoration concerne une formation mineure dont un je-ne-sais-quoi en fait pourtant un objet de chevet. A Place to Bury Strangers appartient à cette catégorie. Pourtant, rien, a priori, ne pourrait extirper APTBS de ce revival shoegaze que l’on regarde aujourd’hui avec une indifférence teintée de moqueries. Rien si ce n’est, peut-être, une générosité, une absence de calcul, une volonté de sauter dans le vide sans craindre le choc du bitume. N’importe quel admirateur de APTBS l’admettra : ce groupe est généreux. A tous les niveaux : pas une année sans un Ep ou l’annonce d’un nouvel album, pas un disque qui ne suinte l’opportunisme ou le compromis, pas une seule chanson qui oserait prendre en traître le fan inconditionnel…

Du coup, aucun hasard à ce que APTBS, à l’occasion du dernier Record Store Day, balance à tirage limité un sept titres nommé « Strange Moon » uniquement constitué de covers du groupe bostonien… Strange Moon. APTBS, groupe honnête qui tire une révérence à moins connu que lui, groupe intègre qui s’efface, se place en retrait, uniquement pour la beauté de l’acte, pour le plaisir de la musique, par respect des pairs… Attitude exemplaire.

Covers ou pas, cet Ep transpire le APTBS jusqu’au cuir et à la sueur. Toujours la même chose, rien de nouveau : ça valdingue les frères Reid en plein Detroit, ça balance un son hyper crade parfois proche de l’inaudible, ça fout un delay monstre sur les parties vocales… Toujours la même chose, album après album, mais on marche. On prend. On ne s’en lasse pas. APTBS pourrait aujourd’hui se concevoir comme une sorte de nouveau The Fall : pas grave si cette formation ne sort dorénavant que des albums identiques et déconnectés de leur époque, qu’importe si cette bande de camés se révèle incapable de voir plus loin que le mur du son des Jesus & Mary Chain, on s’en fout si APTBS ne se renouvellera jamais (la bonne blague : les auteurs de « Exploding Head » s’en remettant à l’electro)… On accepte et on aime APTBS tel qu’il le sera probablement pour toujours : un sacré putain de bon groupe sortant toujours le même putain de bon disque…