> Critiques > Labellisés



Pour ces dix ans de carrière Ventura a puisé dans la sagesse des macaques prenant des bains d’eau chaude dans les montagnes du Japon probablement pour ce « Ultima Necat », chef d’œuvre noir et brulant d’un groupe cherchant à puiser sa force dans la rage la plus noire, quitte à la laisser sortir pour le pire. Sauf qu’ici cette étincelle noire sort pour le meilleur, pour un brulot incandescent, pierre de lave qui consume tout sur son passage, rompant avec la quiétude relative du primate se prélassant.

Le son de ce disque est lourd parfois pesant, les paroles (le chant souvent doux) se fracassant contre des guitares qui sont à cette musique ce que les pyromanes sont pour les feux de foret. Et pourtant l’entrée presque spatiale de « About To Despair » ne laissait pas présager de la suite, même si le climat ne présageait pas d’un calme absolu C’est une tension montante comme une introduction à « Little Wolf » premier coup de maitre, comme si Slint nous revenait après une crise de manque d’une substance qu’il aimerait consommer. Depuis longtemps la tension n’avait pas eu comme expression musicale un titre comme celui ci. Philippe Henchoz a beau répéter à l’infini de ne pas pleurer, que tout va bien, hors nous nous retrouvons au beau milieu d’un espace non sécurisé qui menace se s’écrouler sur nous à n’importe quel moment, comme si nous étions les acteurs d’un épisode malsain de Walking Dead. S’accrochant à des mélodies imparables, Ventura avance, tout d’abord avec un « Nothing Else Matterded » rouleau compresseur sans foie ni loi, compactant tout, laissant les émotions de côté pour mieux avancer vers « Body Language ». Il y aurait beaucoup à dire sur ce titre, hors comment parler face à ce monstre d’émotion, de tension, le calme olympien de Philippe Henchoz nous faisant froid dans le dos, alors que de partout la poussière des gravats recouvre une atmosphère de plus en plus irrespirable. Le spectacle est beau à pleurer, et « Intruder » qui pourrait s’apparenter à une pièce de repos n’est en fait que l’annexe d’une salle de torture, on entend des bruits, nous devinons, l’imaginaire marche plein pot, le malaise s’installe.

« Amputee » qui arrive ensuite est vicieuse, elle ralentie pour nous happer, nous embarquer avec elle, comme un serpent charmeur, nous explosant contre un mur en redémarrant, nous berçant sur cette mélodie qui se suicide sous nos yeux, nous étouffant comme seul peut être Bob Mould savait le faire avec son monstre Beaster. Dans la lignée du maitre de l’électricité nucléaire, « Corinne » arrive, portée qu’elle est par une énergie que nous retrouvions également chez les Pixies, comme d’ailleurs le confirmera « Very Elephant Man » qui reprend les choses où « Trompe Le Monde » nous a laissés. Il sera alors temps de nous laisser souffler, de reprendre de la vie. « Exquisite and Subtle » comme un feu d’artifice plus coloré, moins lourd sonnera la fin d’un disque qui aura probablement tranfiguré quelque part notre vision de la musique du moment.

Car oui nous ne croisons pas ce genre de disque comme on croise l’ennuie à chaque réception d’une disque répondant à un cahier des charges. Je parlais de Beaster, et ce n’était pas innocent, car « Ultima Necat » est comme celui de Bob Mould un disque mélodiquement extraordinaire, et il engendre les mêmes conséquences, une fatigue extrême, des repères explosés, comme une rencontre à nulle autre pareille. C’est peut être cela la sagesse. œuvre mageure. Chroniqueur terrassé.




 autres albums


 interviews


aucune interview pour cet artiste.

 spéciales


aucune spéciale pour cet artiste.