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On se souvient surtout d’Erwin Schrödinger pour son chat théorique entre deux eaux, à la fois mort et vivant tant qu’il n’était pas mort (pensée taquine à Borges et son pari sur l’immortalité), évoqué en chanson par l’affreux Arnaud Fleurent-Didier, mais le physicien autrichien ne s’est pas contenté de cette ludique abstraction pour se faire connaître, travaillant notamment sur les nuages électroniques, au sein desquels s’empilent les électrons autour du noyau d’un atome. En gros, les électrons s’agglomèrent en couches patientes, nappes d’énergie en suspens prêtes à éclater, comme des nuages noirs au-dessus de villages montagneux, qui parfois crèvent le ciel, ou pas.

Il en va ainsi de Nuages Électroniques, le projet instrumental des messins Antony Dokhac (Shizuka) et Florian Claude (Lueur Trouble, 13 Dead Trees), qui météorologues incisifs attaquant le ciel à coups de perceuse sonique, s’avancent à pas de loup post-rock électronique sur les sentiers d’un registre certes balisé, mais jamais décevant.

Entre les arpèges de guitares électriques, guides des narrations mélancoliques des treize titres de Prologue, et les synthétiseurs vrillants imagés, place entière est faite à la rêverie et aux pérégrinations harmoniques. Le champ lexical est rupestre, l’on y évoque tant le vent que la pluie que le soleil et autres cycles naturels, perdus de vue par l’homo urbanus que même au fond de nos campagnes nous sommes devenus. Parfois des voix altérées et trafiquées apparaissent, matériau d’appoint, ponctué, délayé, réverbéré, nous rappelant que l’humain restera malgré tout, poisseux et sensible, au centre de toute équation bancale. En guise de contradiction, un beat house minimaliste approche et terrasse tout sur son passage, avec un Coalescence subtil, qui jamais n’éclate : un mini tube post rock. Et ne parlons même pas d’Astraphobie et son mood jungle, un régal qui se délite dans la reverb.

Ce qui fait le très grand charme de Prologue, c’est sa capacité à jamais n’en faire trop. Ce premier album de Nuages Électroniques propose beaucoup, égrène les pistes et les probabilités, mais dévie en permanence des codes du genre qu’il aborde, et offre néanmoins avec humilité et talent un catalogue cohérent d’instrumentaux passionnants. Tout début annonce la fin, mais tout début annonce également un début tout court, et pour le coup, c’est un excellent point de départ que Prologue, que l’on espère voir suivi de prolongements fertiles à haute valeur ajoutée.




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