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En Français, J. Tillman se traduirait de manière couillonne par J. l’Homme Tiroir-Caisse. Transposition con-con mais qui dit mieux que toute autre tentative lexicale que ce jeune Américain de 25 ans nous a effectivement obligés à mettre la main à la poche de nos émotions. Minor Works (Fargo/Naïve), troisième album mais premier véritable disque à pouvoir atteindre plus que sa famille élargie, facture en effet au prix fort et n’accepte le paiement qu’en larmes dûment versées. C’est que le folk de J. Tillman lui a coûté pas mal : un conflit larvé avec ses parents qui lui imposaient l’écoute exclusive de musique chrétienne, les nuits sur les aires de repos et la faim lors de tournées qui réduisaient peu à peu son réseau social à peau de chagrin, l’instabilité en somme... Une instabilité qui prend les traits d’une mélancolie velouté sur l’aérien " Darling Night ", le duveteux " Jesse’s Not A Sleeper " ou " With Wolves ", jolie ballade vespérale, trois des neuf réussites que compte Minor Works, un album qui doit beaucoup aux rencontres. Et notamment, celle de Damien Jurado auteur avec And Now That I’m In Your Shadow (Secretly Canadian/Differ-ant) d’un emballant album de folk gorge nouée. Entouré d’Eric Fisher et Jenna Conrad, le singer-songwriter de Seattle sing comme jamais de cette voix si gracieusement profonde et songwrite avec l’élégance de ceux auprès desquels il trouvera sans conteste et en définitive sa place (Nick Drake, Kozelek) And Now That I’m In Your Shadow tient de la caresse, de la brise de fin d’été, du frottement d’un drap propre sur la peau un lendemain soir de cuite. L’introductif " Hoquiam " et son violon câlin, la boîte à rythme Fnac Eveil de " What Were The Chances " ornementé du chant suave et quasi soufflé de Jenna Conrad ou le dépouillement évocateur de " Gas Station " dissipent sans difficulté l’ombre brumeuse dans laquelle Jurado dit se cacher. L’Américain se découvre avec finesse sur un album qui l’asseoit un peu plus à la table des Grands. A ceux qui ignoraient sa présence, Damien Jurado le rappelle piste neuf (" I Am Still Here ") : il est pourtant et toujours là. Spencer Krug, la tête pensante de Sunset Rubdown ne s’opposerait sans doute pas à ’idée de partager quelques minutes en sa compagnie. Entre génies on se comprend en silence. Krug a beau porter le nom d’un héros récurrent de comic indé -on le verrait assez bien dans Questionable Content- il se pourrait que derrière son patronyme se cache un des tout jeune génie des années OO. Croisé aux côtés de Parade des Loups l’année dernière au détour d’un album dont l’écoute nous plonge encore dans un état de ravissement idiot, Krug entame avec Shut Up I Am Dreaming (Absolutely Kosher/Import) la deuxième phase de son plan d’émotion massive. Sa voix tremblée qui domine des morceaux montagnes russes tout en faux départs et chausse-trappes tient lieu de fil conducteur et autorise l’auditeur ébranlé à se repérer dans un univers marqué par un inconfort rapidement apaisé par des heures d’écoutes extatiques. Krug épaulé par Camilla Wynn Ingr, Jordan Robson-Cramer et Michael Doerksen, s’ouvre le poitrail sur l’épique " Stadiums and Shrines II " et sa ligne de clavier torturé, appelle à la révolte sur un " They Took a Vote And Said No " de circonstance, vous déchire le bide avec " I’m Sorry I Sang on Your Hands That Have Been in the Grave " parfaire chanson pour un 11 novembre , réveille vos névroses sur " Swimming " et finit par vous faire rendre grâce à grands coups de " Oceans never listen to us anyway " sur le titre homonyme, magnifique cavalcade finale à xylophone de plus de sept minutes. Les audioblogs américains ne s’y étaient donc pas trompés qui portaient bien avant la sortie de ce second album l’éclairage sur Sunset Rubdown signés sur le décidément impeccable label Absolutely Kosher. Poursuivons sur le chemin de l’incommodité guidé cette fois par les Futureheads. " We Lie Because The Truth Is Bad/We Are Good But We Are Sad " chante ainsi Barry Hyde sur "The Return Of The Berserker", huitième titre du plaisant News And Tributes (679 Recordings/WEA). Moins anguleux mais tout aussi immédiatement addictif que leur album homonyme, ce second long format creuse un peu plus ce sillon post-punk passementé d’harmonies vocales lumineuses cher aux Têtes du Future, cependant qu’il poppise de manière plus nette des compositions kaléidoscopiques. " Skip To The End " en l’espèce, premier single et véritable réussite construit sa progression sur une ligne de guitare tranchante mais évite la blessure à force de " Nanan ana " pansements vocalisés avec science. "Back To The Sea" suit une ligne courbe identique et s’invente bonbon au miel au goût pourtant poivré (" I Won’t Go Back To The Sea/ Whatever’s Pulling You Isn’t Pulling You "). La teneur souvent amère du propos (les dommages collatéraux du succès ?) est ainsi masquée par un son ample et chaleureux que le groupe doit à Ben Hillier (Blur, Doves). Une allégorie de la société post-industrielle ?

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