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Une fois n’est pas coutume, me voilà bien embêtée de devoir chroniquer un album. Cet album c’est « Dreamer » porté par Nabihah Iqbal, une de mes consoeurs chroniqueuses radio (ben oui je fais de la radio, comment ça vous n’êtes pas encore abonné à mon podcast Spotify « Rue du Château » ???). Donc je suis super embêtée de m’être obligée toute seule à écrire sur cet album de Nabihah parce que j’aime beaucoup le melting-pot qu’elle prône (vrai !), les clubs de nuit (faux !), le fluo (vrai !), les Van’s (vrai !), et aussi le petit bonhomme Sprite - qui s’appelait Fido-Dido si je ne m’abuse, ou alors je mélange tout - mais voilà je ne crois plus à ces conneries, je ne crois plus au paraître.

Nabihah est pourtant cette nana adorable avec laquelle on aimerait tous être potes et partir en week-end, avec son-grand-sourire-dents-blanches et ses sons de clubbeuse londonienne. Ça va, t’es fun, on a compris, rhooo là là, pas la peine d’en mettre partout des tut-tut de Roland TR-8S, et que je te rajoute des nappes de synthé, et que je te susurre des non-textes à la noix. Pardon mais c’est vrai à la fin, je suis la seule à en avoir marre de ces nuages roses qui flottent dans les airs pendant que tout va mal, et que je te remette un peu de sous-Curve et de sous-Badalamenti pseudo-habité ? Oh hé on se calme là ! On n’est pas si bêtes, nous les moutons du XXIème siècle.

Donc non, Nabihah, j’ai beau t’adorer comme BFF, sur « Dreamer » tu fais juste un truc dans l’air du temps : mixer sur des platines et essayer de nous faire danser comme en 92 sauf que ça marche pas, moi je prends pas, et il n’y a rien de personnel mais vraiment, je préfère écouter les Rythmes Digitales, sorry ! Et comme j’ai fait la bêtise de ne pas acheter « Darkdancer » quand il est sorti (1998), je me suis fait une toute mini-note mentale et j’ai acquis celui de Zoot Woman dix ans plus tard car on ne peut pas éternellement laisser passer sa chance devant de bons disques. Il faut parfois savoir se montrer un tantinet matérialiste (même si on utilise tous Spotify, on ne va pas se mentir).

Donc donc Nabihah Iqbal et son album « Dreamer »… Qu’en dire ? Je vais répondre à côté : Molly Nilsson est trop forte à ce truc-là, je regrette. En plus (non, je n’avais pas fini mon trip) c’est super important de faire marcher les petits commerces, de continuer à acheter des disques (ou des vinyles ou des cassettes, si vraiment vous y tenez) ça ne peut pas faire de mal. Quoique… ça fait peut-être souffrir des gens de fabriquer des disques ? Est-ce-que quelqu’un sait où se fabriquent les CDs de nos jours ? Quelque part, peut-être dans la province du Guangdong, ou sous une toundra poutinienne secrète, on fabrique les CDs du monde entier, des mineurs gavés de cachetons (pour ne pas sentir la douleur de gestes répétés 19 heures sur 24) pressant des milliards de disques dans de grandes salles blanches, sans particules de poussière, fabriquant des disques POUR NOUS à partir de matrices et de presses. Les matrices sont placées dans des moules qui ressemblent à s’y méprendre à des moules à gaufres. Oh la la les bouuuuules !

On en était où déjà ? Ah oui, Nabihah, donc oui j’aimerais aimer « Dreamer » mais franchement non, I’m not buying this baby, c’est pas honnête ce truc. « Dreamer » a le mérite de ne pas être nunuche, pas racisé, pas genré, pas engagé quoi, et tant mieux, on n’en peut plus de l’engagement c’est vrai non ? Mais « Dreamer » manque probablement d’un truc qui s’appelle l’identité. Moi le dream, le rêve, ça ressemble pas à ça, et j’écris en connaissance de cause parce que je connais ton premier album, Nabihah. C’était vraiment pas nécessaire d’en sortir un deuxième. Quand je rêve, moi, la bande-son c’est du Carla Dal Forno - dont j’attends les prochains morceaux avec impatience d’ailleurs. On y perçoit au moins un peu de suspense et de douleur, et c’est parfois bon de souffrir, de se sentir vivant sans se voiler la face sur nos défaillances par trop humaines. Vous voulez que je vous prête mon exemplaire du « Traité du Désespoir  » de Kierkegaard ? Ça se trouve les mineurs camés de la gigantesque usine secrète où se déroule la fabrication des disques-compact, les mineurs camés sont heureux de souffrir pour nous rendre heureux, nous qui achetons encore des CDs ? Donc qui sait, les fabriquent-ils peut-être le sourire aux lèvres malgré de sévères carences nutritionnelles, malgré leurs insomnies et leur solitude sans bornes.

Par ailleurs, qui se plaindrait que les artistes souffrent depuis des siècles pour nous donner le meilleur de leur vision ? Ils se sacrifient les mecs, et là je crois que justement, si rien ne se passe à l’écoute de « Dreamer », c’est que Nabhiha Iqbal est probablement trop heureuse, trop reposée, et trop mal entourée, pour que cela ne fonctionne. Bons baisers de Yonville néanmoins, et merci pour les gaufres.

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