Dès les premières secondes de « All The Time », Evan Uschenko (alias Ghost Woman) nous renvoie vers cette Amérique fantasmée de la fin des années 60, lumineuse et aérée, qui vit émerger un paquet d’excellents groupes de rock garage psychédéliques (13th Floor Elevators, The Seeds, Love, etc.), piochant dans le blues, la soul, la folk et la pop pour mettre en musique un hédonisme (de façade) qui perdure encore aujourd’hui, à travers Jacco Gardner et autres The Brian Jonestown Massacre.

Guitariste pour Michael Rault jusqu’en 2016, le Canadien – natif de Three Hills dans l’Alberta - a eu l’occasion de côtoyer en tournée les King Gizzard & The Lizard Wizard et de prendre conscience que la coolitude stérile véhiculée par le psychédélisme (le road trip, l’alcool, la drogue) n’était pas incompatible avec une certaine dose de professionnalisme : message reçu, Evan Uschenko se lance en solo et sort l’année dernière un EP remarqué - « Lost Echo’s » - épilogue d’une relation sentimentale cabossée (pléonasme).

De retour avec un premier album (« Ghost Woman »), publié par le label londonien Full Time Hobby (The Besnard Lakes, Tunng, The Magnetic North, etc.), le multi-instrumentiste récite, avec une décontraction languide, la grammaire d’un genre balisé (kraut shoegaze ou pas kraut shoegaze, telle est la question) : guitares jangle fuzz et entrelacs d’arpèges cristallins, voix réverbérées un peu perchées, basses binaires qui marquent les temps, fréquences médium en avant (ça grince et grésille, la production est sèche) et mélodies intemporelles. Sur « Dead & Gone », on croirait entendre chanter les frères Reid (The Jesus and Mary Chain), tandis que « Jreaming » convoque The Make-Up et « Good » nous laisse entendre une version lounge garage de Air. Ghost Woman ne révolutionnera pas le rock psychédélique mais vous donnera envie d’enfourcher une grosse moto pour sillonner en sifflotant les routes ensoleillées d’une Californie hallucinatoire.