> Critiques > Labellisés



« Un monde sans dehors / Un dehors sans monde », paru en mai 2022 sur le label lyonnais Carton Records, est le fruit d’une collaboration à distance entre la musicienne Delphine Dora, dont l’œuvre polymorphe et éclectique prend, au fil des ans, une ampleur considérable – il faudra revenir sur « L’inattingible » -, et l’auteur Pacôme Thiellement, histrion essayiste protéiforme : en deux longues plages instrumentales agrémentées de spoken word, le duo nous offre, à l’instar d’un certain nombre d’artistes en chambre durant cette période trouble, un commentaire sur le confinement et ses opportunités en matière de pérégrinations intérieures.

Si la partie musicale, toute en bourdons, grincements et murmures, ne peut que faire l’objet de louanges – Delphine Dora s’y montre particulièrement aventureuse (mention spéciale au poème d’Emily Dickinson, « The brain is just the weight of God », chanté dans une adorable version church-folk) - , il en va autrement pour le versant littéraire. Les amis, on ne met pas de ketchup dans un risotto.

En effet, l’écoute des cinquante minutes que dure «  Un monde sans dehors / Un dehors sans monde » m’aura épuisé, tant Pacôme Thiellement, d’une voix hésitante et mal assurée, enfonce sans réelle conviction des portes grandes ouvertes sur des sujets qui n’en demandaient pas tant : usage spirituel du confinement, rencontre avec soi-même, gestion de la solitude, critique des réseaux sociaux, redéfinir la liberté, etc. Parole omniprésente, omnisciente, parole fatigante.

Ce qui m’irrite, chez les penseurs qui pensent sans méthode, c’est l’absence d’humilité, de recul, de lucidité, cette volonté d’occuper à tous prix le terrain, de s’approprier l’expérience de l’autre, de « penser le monde », de se penser monde alors qu’en réalité il ne parlent qu’en leur nom propre, d’une parole par ailleurs instable, à laquelle il faudrait ne se fier qu’avec prudence.

J’aurais préféré que Pacôme nous raconte son confinement, ses doutes, ses craintes, ses nuits abîmées, ses courses au Franprix, les livres lus, les menus, les soirées clandestines, la peur de la police, les séries Netflix, le masque, pas de masque, le vaccin, pas de vaccin, le silence dans la rue ; il n’y a pas de plus belle voix que celle du « je », parce que, jusque dans sa fausseté, elle est sincère.




 autres albums


aucune chronique du même artiste.

 interviews


aucune interview pour cet artiste.

 spéciales


aucune spéciale pour cet artiste.