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Impossible de vous parler de ce disque sans saluer le travail de l’artwork, parent souvent pauvre des sorties contemporaines, mais ici justifiant à elle seule l’achat d’une platine vinyle pour se procurer une version XXL de la pochette cd. Œuvre de Elzo Durt que nous avons déjà eu le plaisir de croiser entre autres, chez La Femme ou Thee Oh Sees, elle nous plonge dans la tête de Mélies a qui on aurait confié l’illustration de "De la Terre à la Lune" de Jules Verne. Pourtant «  A Story of Love » trouve son inspiration sur une photo de Marc Riboud, « La Jeune Fille à la Fleur » qui n’a que peu de lien avec la conquête spatiale. On y retrouve une adolescente, Jan Rose Kasmir, qui du haut de ses 17 ans tend une fleur face aux lames des baïonnettes lors d’une manifestation pacifiste. Le lien, c’est Jane’s Death qui va le créer, emmenant Jan Rose Kasmir dans une œuvre romanesque, faisant de cette jeune fille, l’héroïne de « A Story of Love ». L’entendre déclamer un de ses poèmes (sur la chanson titre) est un moment d’une force que nous ne retrouvons peut-être que dans certains morceaux de Winter Family.

Mais me direz vous, nous connaissons tous les albums concepts, dont la plupart ne tenaient que sur un ou deux titres, plongés dans une suite de titres n’ayant qu’un lointain rapport, et en plus peu intérêt. Première prouesse du disque, il tient sa promesse ne s’éclipsant jamais derrière la photo, prenant son sujet à bras-le-corps avec une abnégation et une force qui ne tarira jamais la source poétique des chansons qui ne pouvaient trouver meilleure traduction picturale que dans le travail d’Elzo Durt.

L’autre prouesse et de faire tenir le tout musicalement, et de ne jamais nous perdre tout au long des 13 titres et presque une heure. Car à l’instar d’une page turner, « A Story of Love » n’a de cesse de nous donner envie d’en écouter toujours et encore, estomaqués que nous sommes par la palette que le groupe de Lucas Martinez a entre ses mains, Dés « Information Oii’ » il y a comme l’urgence la tension que l’on ressent quand le décompte de Houston est couvert par le bruit et l’image rongée par la fumée. Une ouverture digne d’une fresque grandiose, mais jamais grandiloquente.

La mélancolie est le fil conducteur, celle-ci décuplée par le chant parfois plaintif (« Jane » ode puissante et déchirante qui verra son trop-plein d’émotion exploser avec « Jane II » et sa rythmique métronomique et insistante), maîtrisant toutes les oscillations d’une musique qui sous ses atours pop de haute tenue (« Problem With The Lord » à l’ascension vertigineuse), jouie d’une liberté que l’on ne s’arroge que quand nous avons du talent, et là le groupe démontre par ce chef d’œuvre qu’il en est pétri, préférant les « structurations complexes » (un titre comme « Someone Special » n’a pas fini de vous retourner.) que les formes géométriques, sans pour autant se priver des plaisirs simples (Milky Way), des envolées voluptueuses (« Jane’s death » tube imparable) ou des au revoirs mystérieux (« Paris Fallin » 12 éme morceaux de l’album numéroté 13 sur l’artwork comme pour brouiller les pistes et nous cacher « Up to The Sea » prière inquiète aux promesses dévoilées)

Le groupe cherche la profondeur de champ plutôt que de s’axer sur le premier plan (même sur un « Despite The odds » les ombres qui subliment le titre ne cache pas l’horizon). il en découle des chansons avec un grand-angle et un sens de la minutie quand il s’agit de s’appuyer des détails pour mettre un relief.

Alors, si L’ambition est un mot connoté désormais, c’est qu’il nous donne plus à voir avec les carnassiers qu’avec les poètes mais Jane’s Death nous prouve que l’on peut construire un projet au souffle long et fort sans pour autant être un prince de l’olympisme. La fleur au fusil, le cœur débordant. Chef d’œuvre.




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