Je ne vais pas pour faire l’historique du deuxième album (ou second pour ceux pour qui ce passage sera le dernier) mais celui-ci, dans l’histoire de la musique pop est une forme d’Himalaya, quand on pense avoir tout dit sur un premier disque, rendant l’exercice presque facile tant la feuille n’était pas blanche.

À peine, nous nous étions remis du premier album (le bouillant Mo Jodi) et de sa forme nouvelle (il y a un lien à trouver dans la constitution du trio et le son créé par le Sousaphone avec un groupe comme Morphine qui n’utilisait qu’une basse à deux cordes et pas de guitare) Delgres nous revient déjà, comme si ce temps suspendu donnait à celui-ci une élasticité possible pour la création.

Avec « 4:00 AM » le trio a déjà pu compter sur un outil, un studio mythique, le Studio ICP de Bruxelles, et cela s’entend. Le son est puissant, la production léchée, tout à la fois brûlante et lumineuse, rappelant des terres de cette histoire que Pascal Danaë, Baptiste Brondy et Rafgee nous content avec une mélancolie et une force évocatrice qui pourrait faire frissonner le moindre des auditeurs. Le son de ce blues rock créole dégage quelque chose de fort, mettant nos défenses immunitaires à rude épreuve, car même quand ils s’éloignent de notre terrain de jeux favoris avec un titre comme « Ke Aw », le trio sait nous attraper par quelque chose. Rempli de tubes en puissance (on ne citera que «  Se Mo La » titre chavirant avec à son bord des guitares à la The Edge et la voix de Pascal Danaë qui donne à l’instant une forme d’éternité), c’est en retraçant des histoires du quotidien (« L’école ») que Delgres nous touche (prendre « Ke Aw » de pleine face sans pleurer est une prouesse que nous devons nous interdire) et nous offre une lecture de la grande histoire, alliant souffrance et espoir, rage et douceur, avec une langue poétique.

L’heure est plus que venue de consacrer Delgres. Le feu sacré.