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Cette chronique est étrange à écrire. Elle vous demande de me croire déjà et elle demande d’écouter ce disque comme peu l’entendre celle qui me fait face à l’instant même où j’écris cette chronique, ma fille de onze ans, qui en avait dix quand elle a commencé à écouter ce disque dont la sortie a été retardée par cette saloperie de Pokemon pas drôle le COVID. Mais en même temps, en écoutant « Bassonica » comment ne pas voir le plan marketing involontaire le plus énorme de ces dernières années (lol ou mdr comme dit la génération en perdition).

Alors me croire pourquoi. Car sans jamais avoir lu quoique ce soit sur Vertige, j’ai ressenti la même chose que j’ai pu le ressentir à l’arrivée de la petite Louise Attaque chez Lenoir, il y a de cela plus de 20. Une sensation indéfinissable, peut être celle de la chanson pop directe qui évite la poésie obscure pour quelque chose de contemporain, qui sait inclure les affres de notre société technologique dans une chanson aux saillis entêtantes mais flippantes, nous faisant chanter avec une forme de désenchantement désabusé, mais accepté.

Le moment clé est d’ailleurs en milieu de disque. « Tournesol » et son écho au Mendelson de Pascal Bouaziz qui pourrait devenir l’hymne d’une génération si celle-ci n’était pas le sujet même de la chanson. Car le constat que fait Vertige a de quoi séduire et coller à ce que pense ma fille de onze ans élevée dans une culture du bio, du retraitement, du gâchis minimum, du respect de tout, même du bousier sur le dos sur un chemin de randonnée qui pourrait ne plus vivre si elle ne le remettait pas sur ses pattes. Les chansons sont courtes, majoritairement tout juste plus de deux minutes correspondant au temps d’attention maximal d’une génération élevée aux messages formatés, à la musique en streaming vite balayée jamais stockée, abordant tout avec une minutie quasi-chirurgicale dans un style lui faussement détaché. Mais paradoxalement, cette musique séduira les combattants de cette génération, et du haut de ces onze ans ma fille en fait partie. C’est une frange qui pense à la lutte pour ne pas donner la partie facile à cette fatalité qui condamnerait l’humanité dans un avenir proche à la disparition pure et simple. « Populaire » pourrait être le premier disque l’écolo politique d’une génération qui sait qu’elle pourrait moins bien vivre que celle qui l’a mis au monde. Tout est abordé, rien n’est élagué, Vertige prend son nom dans cette perte d’équilibre face au vide, mais comme le duo le dit avec un cynisme jovial pour mieux nous mettre le nez dedans « Nous y allons pas à pas, nous y allons avec joie, direct dans le mur, c’est bien ça, ah ça nous y allons tout droit ». œuvre de deux quadras minimum que sont Jérôme Coudanne, le chanteur de Deportivo, et Robin Feix, le bassiste de Louise Attaque, « Populaire » pourrait et devrait toucher cette génération dépossédée de tout (volontairement ?) et aliénée (volontairement assurément) afin que le cri et le rythme entêtant d’« Acide » devienne un hymne tout aussi naïf qu’important. Car si on sait que la musique ne changera pas le monde, nous savons au moins que nous l’avons suffisamment bousillé et que rien ne pourra plus le détruire et que du coup tout peut être tenté. Alors votons Vertige, écoutons Vertige, partageons Vertige et souhaitons que nos descendants prennent possession de la rue, le poing serré en l’air, vindicatif, mais aimant, car l’avenir que nous leur proposons est indigne de nous, et la rage parfois sourde du disque nous le fait bien entendre. Disque d’une génération qui voudra ne pas perdre, sans haine, avec amour. Un vertige.




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