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Autant l’avouer tout de go, j’avais complètement perdu de vue les Young Gods. Le dernier concert remonte au bas mot à 15 ans… et le dernier disque écouté (longuement, et assidûment à l’époque, notamment sur le radio-cassette de la voiture) fût Only Heaven, suivi de l’excellent Heaven Deconstruction. Autant dire une éternité. Du coup, une séance de rattrapage ne serait pas inutile. Mais puisque le chroniqueur a tous les droits, dont celui de n’y connaître rien (j’exagère à dessein), il se permettra de reprendre les affaires là où il les avait laissées.

Au sein des Young Gods, une sorte de retour aux sources s’opère avec l’arrivée de Cesare Pizzi aux machines, membre d’origine, en remplacement d’Al Comet. Et c’est l’opportunité d’une résidence en public proposée au groupe qui leur permet d’expérimenter pour donner naissance aux morceaux qui composent Data Mirage Tangram. Peut-être plus porté sur les ambiances que par le passé, le son tout au long de cet album de 7 titres est enveloppant, mêlant organique et électronique comme rarement, le tout magnifié par Alan Moulder qui mixe l’album.

Dès les premières notes, une suggestion de basse souterraine à peine audible, puis ces quelques notes de guitare, des rythmiques entremêlées d’electronica, on « entre en matière » en reconnaissant immédiatement la patte aiguisée du trio suisse, et toujours cet esprit de ne pas faire comme les autres, d’être en avance sur son temps quelle que soit l’époque. Le chant est caressant, la guitare sans s’imposer, sait se faire présente pour équilibrer les ambiances.

Étonnamment, « Tear up the red sky » n’est pas sans évoquer au premier abord le dernier album de… Rodolphe Burger, où les guitares en retrait mais menant la mélodie, laissent la place à l’atmosphère créée par les rythmes délicats / entêtants en dualité électronique / acoustique et les nappes. Le refrain nous replonge avec délices dans les meilleurs moments des (toujours) jeunes dieux. Mais il s’agit de ne pas oublier la facette entraînante & dansante du titre qui laisse le corps s’exprimer et oublier un moment la richesse du morceau. D’ailleurs, Franz Treichler ne répète-t-il pas ensuite « Elle danse une figure sans nom », décrivant une personne (qu’on imagine belle) aux mouvements étranges et fascinants, et on la suit, on parcoure le chemin qui nous sépare en compagnie du groupe, sur une route un brin tourmentée mais pleine de paysages merveilleux.

Comme une respiration arythmique en plein milieu de l’album, un harmonica vient déranger la tension créée par les sons en suspens, des rythmiques désordonnées, triturées, une basse infra, des sons saturés sur « Moon Above », alors que Treichler est dans l’incantation sur une sorte de blues décharné.

Peut-on encore parler de morceau de bravoure pour ce groupe, tant il n’a plus rien à prouver. Pourtant, « All my skin standing » déroule en 11 minutes tout le savoir-faire du groupe, ambiances uniques mi-aquatiques mi-souterraines, une lente montée inquiétante, une économie de mots, un rythme tribal et des nappes tournoyantes, le chant de Treichler entrecoupé de guitares sur-saturées qui surgissent en surplomb, comme des éclairs dans un ciel d’une densité inouïe.

Morceau s’adressant autant au corps qu’à l’esprit, « You gave me a name » nous entraîne dans une sorte de transe aux boucles infinies, laissant de côté le dépouillement initial par un entrelacs de guitares. « Everythem » achève le disque, et de nous convaincre que le motto « less is more » fonctionne toujours à merveille, surtout exécuté de main de maître par les helvètes.

Après 8 années sans album studio, Data Mirage Tangram signe un retour parfait des Young Gods, peut-être moins radicaux que par le passé, mais toujours aussi créatifs et en pleine maîtrise de leur son. À croire qu’ils sont réellement dieux sur leur planète sonique.




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