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Après la déception du En amont orchestré par Edith Fambuena qui, malgré tout son talent, n’avait pas réussi à insuffler une véritable émotion à cet ambitieux album posthume, quel plaisir de retrouver, pleine et entière, la voix d’Alain Bashung ! Retrouver l’intégralité de son spectre, sa puissance émotionnelle, son éloquence, avec cette diction si précise qui le caractérise et cette mélopée envoûtante qui rend ses interprétations quasi chamaniques.

C’est donc un très beau cadeau que nous offre Barclay, en particulier avec ces 4 disques d’inédits et de raretés qui nous font remonter jusqu’aux premiers enregistrements studio de l’artiste. Comme par exemple au début des années 70 lorsque Alain Bashung et Dick Rivers enregistrent sous le nom de Rock band revival un double album de covers de grands classiques américains.

On retrouve ainsi Bashung en lead vocal sur plusieurs reprises de Little Richard (comme Lucille, Good golly, Miss Molly ou Long tall Sally) ou sur le What did I say de Ray Charles, ou encore Say Mama de Gene Vincent, Send me some lovin’ de Sam Cooke sans oublier Whole lotta shaking going on de Jerry Lee Lewis, dont on reconnaît la forte influence au niveau des parties de piano endiablées. L’ensemble des orchestrations est d’ailleurs galvanisé par un groupe que l’on sent porté par une véritable frénésie de jouer ensemble. Personne ne fait semblant. Le son de basse est surpuissant et le batteur n’hésite pas à user de la double pédale sur certains passages.

Après cette remarquable séquence américaine, 3 inédits sont proposés coup sur coup : J’ai dû, En 24x36 et Le pôle nord commence ici. Des chansons que l’on peut certes considérer comme mineures mais qui imposent déjà le style très cinématographique de leur interprète. Nous sommes transportés dans un espace temps qui révèle l’influence de l’image sur l’univers du chanteur. Un univers qui tient autant de l’instantané photographique que du lyrisme de ce conteur d’histoires hors pair. Avec Bashung, nous changeons de dimension, passant du plan rapproché au plan américain, des petites lucarnes du quotidien aux grands espaces.

Autre curiosité avec élégance (version divan) qui figurait à l’époque dans une compilation intitulée Hyperboum 2, sortie en 1984 et comprenant quelques tubes francophones et anglo-saxons. Le titre est co-écrit avec Pascal Jacquemin, un auteur qui a notamment officié sur « Figure imposée ».

Nous avons droit également à un live de Station service, une de mes chansons préférées de la période Bergman. Il y a juste à se laisser porter par l’émotion et ressentir la solitude totale de ce personnage si parfaitement incarné par Bashung. Ce titre fout la chair de poule. Vient ensuite une séquence plus cold wave, voire kraütrock, comprenant un live du Lavabo de Serge Gainsbourg (et je ne cesserai de clamer que les meilleurs textes de Gainsbarre sont ceux qu’il a écrit pour Bashung) et deux titres en allemand que sont Spiele mich an die wand (co-écrit avec Bergman) et Stille nacht (traditionnel autrichien écrit par Joseph Mohr et composé par Franz Xaver Gruber). Ce titre peut d’ailleurs nous faire comprendre l’intérêt de Bashung pour la culture à la fois populaire et religieuse qu’il sera tenté d’explorer de nouveau par la suite avec le Cantique des cantiques par exemple.

Enfin, pour clôturer ce premier volume, une extatique version live de Hey Joe ! adaptée par Gilles Thibaut et Boris Bergman. Un monument qui paraissait intouchable et qui pourtant sonne tout aussi juste en français dans le texte. Cette version, enregistrée lors du live tour de 1985, pourrait d’ailleurs faire office de pont entre une chanson française à l’ancienne et une nouvelle chanson française, maintenant décomplexée de son admiration pour les standards américains. Un style qu’imposera véritablement Bashung en choisissant de chanter en français ces mêmes histoires de losers magnifiques qu’il incarnait si bien dans sa période Bergman, jouant avec les fantasmes de la grande tradition du film noir américain comme avec les sombres détours du Paris interlope. Plaies et blessures d’un lyrisme en dedans.




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