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Ça faisait un moment qu’on y pensait, alors quand l’occasion s’est présentée, on n’a pas hésité une seconde. Pour cela différentes raisons : leur maîtrise totale de leur univers (musique, graphisme, vidéos, label) dans un esprit DIY, leur sens de la scène où le happening est la règle… mais surtout l’envie de pouvoir échanger avec Aris et Barbara, les personnes les plus cools de la terre (au moins). La preuve ci-dessous.

ADA : Vous avez déjà joué aux Rockomotives ?

Aris : Oui, c’est notre 4ème fois. Mais la 1ère avec le Wicked Orchestra qui est un nouveau projet et avec lequel nous n’avons pas fait beaucoup de dates.

ADA : Vous pouvez nous en dire plus sur ce Wicked Orchestra ?

Aris : Ce sont des amis qui jouent très bien de plusieurs instruments. Il y a Zeno au violoncelle, Boris au violon alto, Kety à la harpe, Martina à l’harmonium/piano, et Barbara et moi qui jouons les percussions, le plus compliqué ! Et nous sommes plusieurs à jouer du piano aussi.

ADA : Comment vous est venue cette idée d’une version plus acoustique ?

Barbara : Nous étions en train d’écrire le nouvel album de Peter Kernel, avec guitare, basse, batterie comme d’habitude. On trouvait qu’on était toujours dans le même son, les mêmes instruments, alors nous avons appelé des amis pour improviser, tester des idées. On s’est aperçu que cela fonctionnait bien en jouant nos anciennes chansons ainsi. Alors on a fait des concerts sous cette forme devant des amis, ça marchait bien, et du coup on a fait des concerts plus gros.

ADA : Vous jouez des nouveaux morceaux avec ce Wicked Orchestra ?

Aris : On a surtout repris nos vieilles chansons, mais ce soir nous allons jouer notre nouveau single [There’s nothing like you – NDLR] en version orchestre. Nous avons composé une seule chanson avec le Wicked Orchestra, elle est très spéciale, nous ne la jouons pas en concert car elle nous rend trop émotifs. Elle parle de notre ami récemment décédé et qui avait enregistré tous les albums de Peter Kernel. On a voulu lui rendre hommage ainsi, mais comme on ne peut pas la jouer en live alors on l’a mis sur l’album.

ADA : Vous avez donc enregistré un album avec le Wicked Orchestra ?

Aris : Oui, c’est un EP qui est sorti en avril. Nous l’avons produit très vite, pour rendre hommage à notre ami décédé. Il avait enregistré tous nos albums et nous nous sommes retrouvés un peu perdus sans lui. Nous avons décidé d’enregistrer par nous-mêmes, aussi parce que nous n’arrivions pas à trouver quelqu’un d’autre. Le résultat n’est pas parfait techniquement, mais c’est un geste que nous avions besoin de faire. On l’a donc sorti et nous le vendons uniquement à la fin de nos concerts.

ADA : Il y a un nouvel album de Peter Kernel en gestation ?

Aris : Nous enregistrons avec le téléphone beaucoup d’idées quand nous sommes en tournée. Nous avons pris le temps d’écouter toute cette matière et de choisir certaines parties pour les travailler. Nous avons maintenant toutes les idées pour les chansons. Il y en a déjà 5 de terminées et 9 à finir. Nous choisirons alors 10 chansons parmi celles-ci.

Barbara : Nous aimerions sortir l’album en mars 2018.

Aris : Le processus est lent. Nous avons déjà sorti le 1er single, mais n’avons pas terminé de composer les autres.

Barbara : C’était important pour nous de sortir ce 1er single, car c’est la 1ère fois que nous faisons tout par nous-même, depuis l’enregistrement, le mixage. Ce 1er single, c’était la preuve pour nous que cela peut fonctionner ainsi, que nous en sommes capables.

Aris : Maintenant nous savons que nous pouvons faire tout l’album ainsi. Nous avons aussi une connaissance à Londres qui nous finit le mixage. Nous commençons et lui finalise pour le master, la partie plus technique. Nous avons dû acheter du matériel pour enregistrer et comprendre comment cela fonctionne.

ADA : Le fait de vous impliquer dans la technique & l’enregistrement influence-t-il votre façon de composer maintenant ?

Aris : Oui, beaucoup. On se sent parfois limité techniquement, comme musicien et aussi pour enregistrer. Maintenant que nous avons compris comment faire, cela nous a ouvert à plein de possibilités, je ne sais pas si c’est bien ou pas (rires). C’est la 1ère fois que nous sommes vraiment contents du résultat. Pour les précédents albums, c’était un processus inversé : on commençait avec les idées de chanson et on était content, puis on les travaillait un peu et on était moins enthousiaste et quand on les enregistrait, encore moins et après le mix, encore moins. Et quand on sortait nos précédents albums on était « tristes » le jour de la sortie. Alors on disait tout le temps : il faut qu’on sorte un album enregistré avec notre iPhone parce que c’est mieux, plus fidèle, on aurait beaucoup aimé cela. Mais maintenant que nous enregistrons nous-mêmes, que nous touchons les boutons, nous arrivons à mieux nous exprimer, c’est différent. Nous cherchons à être plus simple, plus primitif, et on est content du résultat sur ce 1er single.

ADA : On a hâte de découvrir l’album en 2018 !

Aris : Oui, moi aussi je suis curieux de ce que ça va donner (rires) !

ADA : On vous a découvert il y a plusieurs années à travers une vidéo « We’re not gonna be the same again ». Vous avez beaucoup de vidéos marquantes, parfois loufoques. Comment vous viennent les idées ?

Aris : C’est Barbara qui s’occupe des vidéos. Elle a une vision particulière des choses, vous savez elle a grandi au Canada...

Barbara : Oui, je suis canadienne, mais mes idées de vidéos ne viennent pas de cela (rires).

Aris : Elle a grandi au Canada, dans un endroit où il n’y avait rien. Enfant, elle construisait ses propres jeux, puis a construit une voiture avec son père. Elle a une vision particulière des choses, elle a grandi avec des ours pendant des années (Barbara acquiesce). C’est vraiment différent que de grandir ici en Europe. Elle voit des choses que l’on ne voit pas parfois. On a compris qu’ensemble on pouvait découvrir des choses un peu stupides et les montrer.

Barbara : L’idée, pour la vidéo de « We’re not gonna be the same again », c’était de voir une fille qui irait toujours plus haut. Au début elle est à genoux sur le sol, elle se traine jusqu’au sang…

Aris : On a fait une 1ère prise mais elle n’était pas très bonne. On a continué le jour suivant et il pleuvait. On voulait aussi montrer que l’environnement était très normal avec des voitures normales, une maison normale, où l’on vit.

Barbara : La situation que tu ne chercherais jamais pour faire une vidéo. Cela devient presque comme une chorégraphie, avec tous ces mouvements « normaux ».

Aris : On aime beaucoup montrer des situations de la vie normale. C’est un peu comme la musique, nous sommes des musiciens très simples, nous ne connaissons pas bien les accords de guitare.

ADA : Sinon, vous avez d’autres projets musicaux, comme Camilla Sparksss (projet plus électro du duo)…

Barbara : Oui Camilla Sparksss continue, nous sommes prêt pour sortir de nouvelles choses. Mais comme en parallèle nous avions commencé à répéter avec les amis pour Peter Kernel, nous nous sommes dits que nous préférions continuer avec l’orchestre pour le moment. J’aimerais sortir ensuite des singles mais peut-être pas un album complet avec Camilla Sparksss. Mais bon, il faut se concentrer sur une chose à la fois, notamment pour la promotion, cela prend beaucoup de temps, alors on va commencer avec Peter Kernel.

ADA : C’est vous qui vous occupez de la promo ?

Barbara : Oui. Nous avons notre propre label « On the camper ».

Aris : Nous avons eu des contacts avec d’autres labels, mais nous ne sommes pas intéressés pour l’instant. Il n’y a pas d’intermittence en Suisse où nous vivons. Alors c’est très important pour nous de trouver la balance entre les concerts et vendre les disques pour pouvoir en vivre. C’est ce que nous faisons depuis 6 ans maintenant. Si nous avions signé avec un label, nous ne pourrions pas en vivre.

Barbara : la partie merchandising est très importante pour nous et le laisser à un label serait difficile financièrement.

Aris : Maintenant les labels, pour se faire de l’argent, prennent un pourcentage sur le cachet des artistes. Pour nous, ce n’est pas une situation viable, alors nous gérons tout nous-mêmes. C’est parfois trop de travail pour nous, nous atteignons nos limites. On sait qu’on ne peut pas dépasser un certain stade, que ce serait trop difficile ensuite. Mais pour le moment ça va. Et puis nous ne sommes pas intéressés par la célébrité. Nous voulons juste vivre de notre musique et pouvoir faire ce que l’on veut.

ADA : Envisagez-vous de tourner dans d’autres pays européens ?

Aris : Oui, nous sommes en train de changer de tourneur. Nous avons déjà joué en Allemagne mais nous aimerions jouer au-delà, en Angleterre par exemple. L’idée c’est de pouvoir tourner plus loin avec la sortie du nouvel album.

ADA : Pour en avoir vu plusieurs, vos concerts sont beaux et étonnants, il se passe toujours quelque chose.

Aris : Nous cherchons à nous amuser sur scène.

Barbara : Nous faisons beaucoup de kilomètres en tournée, alors nous cherchons à chaque fois à faire que ces concerts nous apportent quelque chose, nous donnent aussi une raison de continuer.

Aris : Le jour où tu ne t’amuses plus, il faut arrêter. Sinon, cela n’aurait plus aucun sens. On ne dirait pas comme ça, mais c’est très intense de faire des tournées.

Barbara : Hier nous étions à Nancy, nous avons terminé à minuit. On a conduit pendant 5 heures pour être ici à Vendôme à 10 h du matin pour les balances et nous jouons ce soir. Nous repartons ensuite ce soir après le concert car un de nos musiciens (le violoniste) doit jouer demain à Lugano (Italie). Et moi je joue Camilla Sparksss à Bern (Suisse). Nous sommes à 2 voitures. Tu vois c’est assez intense, alors oui, nous cherchons à profiter un maximum de cette heure sur scène.

ADA : Vous sortez d’autres artistes sur votre label ?

Barbara : Nous faisons la promotion des groupes locaux avec notre label.

Aris : Nous venons d’une petite région de Suisse, minoritaire et comme il y a peu de choses, nous essayons de nous entraider et d’exporter ces groupes locaux. Nous avons la chance avec Peter Kernel et Camilla Sparksss de jouer hors de Suisse, alors nous en faisons profiter les groupes de chez nous.

Barbara : Nous aimerions faire encore plus avec ce label, mais c’est beaucoup de travail. On fait ce que l’on peut avec nos contacts.

Aris : Nous avons aussi créé un festival « La Tessinoise » et on en profite pour faire jouer aussi les groupes de la région qui ne sont pas sur le label mais que l’on aime. On leur donne accès à une scène avec les meilleures conditions techniques possibles. On appelle des amis promoteurs de la scène européenne, on les invite pour leur faire découvrir ces groupes. C’est beaucoup de travail, mais c’est cool.

ADA : Avez-vous eu des coups de cœur musicaux dernièrement ?

Aris : Un de nos coups de cœur et ami, c’est Julian Sartorius. C’est un batteur suisse qui joue en solo. C’est comme si il racontait une histoire en jouant de la batterie, c’est incroyable. Nous l’aimons beaucoup.

Barbara : Nous écoutons beaucoup de choses. J’aime beaucoup Moonface, le projet de Spencer Krug, un artiste canadien.

Aris : Nous n’écoutons pas de la musique similaire à la nôtre, mais plutôt de l’ambiant ou du classique. On a besoin d’écouter d’autres choses.

ADA : Dernière question pour le fun : vous vendez des confitures dans votre merchandising ?

Barbara : Oui ! Nous avons du raisin à la maison, nous en avons récolté 36 kg cette année. Nous avons passé 5 jours à faire des confitures.

Aris : Ce n’est pas une quantité suffisante pour faire du vin, alors on fait des confitures et c’est pratique à transporter. Ça se vend bien après les concerts.

Barbara : Ça marche presque mieux que les disques. C’est pour cela aussi que nous ne pouvons pas signer avec un autre label, ou alors peut être Nestlé… (rires)

Les photos sont de Jérôme Sevrette visitez son site : http://photographique.fr Les photos live sont de FLK