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Nous avions déjà discuté avec la compositrice Audrey Van Kempen à l’époque de son projet pop Odivia (dont la chanteuse Bella Jabara assurait le chant). C’était en 2015, sur ADA. Trois ans plus tard, Audrey revient avec un premier EP sous son propre nom (ou presque) : Audrey dans sa bulle, collection de chansons à l’intimité aussi ensorceleuse que génialement synthétique. Néanmoins, pas question pour Audrey de s’inscrire dans un quelconque sillage ou de profiter du moindre revival. Trop de choses à dire, besoin de se lancer un défi personnel, de charrier le populaire pour mieux s’y exposer à nu. Comme chez les Pet Shop Boys, Audrey dans sa bulle accroche l’auditeur avec des refrains et des rythmiques diaboliques, mais il s’agit, malgré l’aspect dansant, d’un disque-cerveau, de chansons introspectives. Fond et forme se rejoignent, sans que l’un n’annule l’autre. Admirable. Des retrouvailles qui comptent.

ADA : La dernière fois que nous avons discuté, il s’agissait d’aborder ton projet Odivia. Que s’est-il passé ensuite ? Entre ce précédent travail musical et aujourd’hui Audrey dans sa bulle, qu’as-tu fais ?

Audrey : Odivia était un projet pop en anglais que j’avais écrit et composé pour une chanteuse australienne, Bella Jabara, à un moment où je ne pensais pas reprendre le micro moi-même un jour. Grâce à ce projet, nous avons attiré l’attention de professionnels de la musique et de certains labels, nous avons été reçues dans quelques radios et émissions de télévision. Toutefois, il n’était pas simple de démarcher un projet en anglais en France. Cela prenait beaucoup de temps et Bella a dû quitter la France pour des raisons professionnelles, ce qui a mis fin au projet.

J’ai ensuite eu l’occasion de travailler comme auteure-compositrice pour d’autres artistes qui m’ont sollicitée, avec des collaborations plus ou moins fructueuses selon le cas, mais toujours instructives. Aujourd’hui, je lance un projet qui est très personnel, mais avec un petit clin d’œil à Odivia néanmoins car like an animal, l’un des titres de mon nouvel EP, est un titre qui préexistait en français et que j’avais à l’époque adapté en anglais pour Odivia.

ADA : Tu me disais que ta matière première, c’était l’humain. Une inspiration qui, me semble-t-il, se retrouve à nouveau dans Audrey dans sa bulle ?

Audrey : Oui, tout à fait. La vie de tous les jours et les rencontres que je fais nourrissent mes chansons.

J’aime procéder par thème pour créer une cohérence, un fil conducteur, entre les chansons d’un même album. Pour ce premier EP (et l’album à venir), j’ai choisi d’étudier les relations entre les gens et les divers modes de communication qui régissent nos interactions. Cela va de l’intime au superficiel, avec Cool par exemple, qui traite de l’impact des nouvelles technologies sur les rapports humains.

ADA : Est-ce la première fois que tu assumes pleinement un projet sous ton (presque) nom ?

Audrey : Oui, c’est la première fois, et ce n’est pas une démarche facile pour moi.

Mon premier projet, Orshad, était un groupe de pop rock dans lequel j’écrivais, composais en partie et chantais déjà, mais avec les contraintes liées à la vie de groupe qui font que chaque création est soumise à des compromis, puisque je n’étais pas seule à choisir. Un groupe, c’est aussi un confort car on n’est jamais seule sur scène, alors que dans un projet solo, on se met à nu à chaque étape et dans chaque situation. Pour Odivia, je ne chantais pas et j’étais « cachée » derrière la chanteuse, donc le confort était optimal et la prise de risque minimale.

Aujourd’hui, je dois me faire face et c’est sans doute la chose la plus difficile à gérer pour moi. Je ne suis pas une personne très expansive dans la vie et je ne communique pas facilement, mais dans mes chansons, je livre beaucoup de moi, de mes envies, de mes fantasmes, de mes angoisses et personne ne peut me connaître mieux qu’en écoutant mes chansons. La musique est pour moi à la fois un exutoire et une composante profonde de ce que je suis. Avec Audrey dans sa bulle, je trouve en plus, dans ce projet solo, la liberté qu’il me manquait dans mes précédents projets.

ADA : A l’ origine de cet album, as-tu démarré d’une envie musicale, d’un besoin d’exprimer des pensées précises ? Ou bien sentais-tu qu’il s’agissait du bon moment, pour toi, afin de concevoir une collection de chansons personnelles ?

Audrey : A vrai dire, c’est un long cheminement qui m’a menée à ce projet, fait d’envie mais aussi de souffrance et de remise en question. En 2013, à la fin d’Orshad, ma voix s’est brisée et après avoir enduré le parcours de rééducation classique, je ne retrouvais plus ma voix d’avant. J’ai alors pensé arrêter la musique mais très vite, elle m’a rattrapée. Alors j’ai choisi de continuer à écrire et composer, mais de faire chanter mes chansons par d’autres. C’est comme ça qu’est né Odivia. Quand ce projet s’est arrêté, j’ai écrit un nouveau répertoire en français, toujours en me disant que je trouverais une chanteuse pour les interpréter. Mais ma rencontre avec Antoine Blanc m’a fait changer d’avis et finalement, j’ai repris le micro. Alors, pour répondre à ta question, je dirais que mes chansons, même chantées par d’autres, ont toujours été très personnelles, et qu’il n’y a jamais de bon moment car quand la musique est ta raison de vivre, tous les moments sont bons. On ne choisit pas la musique, elle nous choisit.

ADA : L’album est électro assez 80’s. Je pense aux Pet Shop Boys. Avais-tu certaines palettes musicales en tête ?

Audrey : Les sonorités de cet album sont un juste mélange entre mes influences et celles d’Antoine Blanc. Mes influences personnelles sont plutôt à rechercher dans les années 90 (Radiohead, Skunk Anansie, Daft Punk, Noir Désir, Michael Jackson…) et dans les années 2000 (Superbus, Emilie Simon, Muse, Pink, Woodkid…). Mais j’aime aussi les sonorités des années 70-80 (a-ha, Madonna, Abba…) et Antoine est très calé là-dessus ! Cela donne le mélange que tu as entendu sur l’EP d’Audrey dans sa bulle.

ADA : Comment s’est déroulé le processus d’écriture puis d’enregistrement ? Tu sembles avoir étroitement collaboré avec Antoine Blanc.

Audrey : Il s’agit d’un vrai travail d’équipe. J’arrive toujours avec le texte et la mélodie, puis je travaille avec Antoine Blanc pour les arrangements. Nous sommes très complémentaires dans le travail mais il a surtout joué un rôle important dans mon retour à la chanson car quand je l’ai rencontré, mon objectif était d’arranger les morceaux puis de les faire chanter par quelqu’un d’autre. Après plusieurs séances de travail au cours desquelles je faisais les voix témoins, Antoine a entrepris de me convaincre de les chanter moi-même et il y est finalement parvenu. Je doutais beaucoup de ma voix, mais il m’a fait comprendre que l’important était de trouver la bonne direction vocale, celle qui servirait mes titres. Et finalement je ne regrette pas mon choix même si je doute encore souvent ! Au delà de la musique, le visuel de l’EP a été réalisé par Gérard Bakner, un grand et talentueux artiste contemporain, qui a créé l’œuvre centrale basée sur un effet d’optique : le portrait bouge quand on le fixe. C’est un merveilleux cadeau qu’il m’a fait. Je lui en suis très reconnaissante et je suis très fière de ce visuel ! Enfin, le graphisme de l’EP et de toutes mes pages internet a été réalisé par ERE.3173, alias Raphael Elie, mon ami d’enfance. Comme tu le vois, je ne suis pas seule, et je travaille avec des gens que j’admire et qui me sont proches, et c’est cela la force de ce projet.

ADA : La suite, pour toi, maintenant ?

Audrey : L’EP n’est pas encore sorti, même s’il est prêt, ainsi que l’album à suivre. Nous allons commencer par mettre en ligne une lyrics vidéo sur nos réseaux et Youtube. Il s’agit d’une réécriture en français de Chandelier de Sia, arrangée et chantée à la façon d’Audrey dans sa bulle. Cela inaugurera le lancement musical du projet. Puis deux premiers titres originaux seront mis en ligne (Folie passagère et Cool) ainsi que des clips. Dans la foulée, l’EP arrivera sur toutes les plateformes de vente. Puis nous espérons pouvoir en faire la promotion au moyen des médias (presse, radio, TV) et sur scène !



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